Début de troisième mandat peu glorieux pour Jean Charest. Cette semaine, un sondage CROP indiquait que la popularité des libéraux a chuté de 10 points depuis les élections; de la mi-janvier à la mi-mars, le taux de satisfaction des électeurs est passé de 52% à 37%. Quant aux électeurs francophones que M. Charest a tant voulu séduire en jouant la carte hypernationaliste, au risque de se brouiller durablement avec Ottawa, le verdict est sans appel: 27% pour le PLQ, 48% pour le PQ...

Il est assez rare qu'un gouvernement réussisse à dilapider en si peu de temps un capital de sympathie qui, sans être énorme, était tout de même appréciable l'automne dernier.

 

La «crise» n'explique pas tout. Il y a, à la chute de popularité du gouvernement, des raisons bien précises, qui ont toutes un rapport direct à sa gestion. Dans les deux dossiers majeurs qui font régulièrement les manchettes - les déboires de la Caisse de dépôt et le projet de construction du CHUM -, le gouvernement s'est montré d'une incompétence affligeante.

On sait maintenant que les pertes de la Caisse, loin de tenir uniquement à la crise mondiale, sont dues à un manque de vigilance caractérisé de ses gestionnaires.

On devine bien, aussi, que l'automne dernier, le gouvernement était au courant, au moins dans les grandes lignes, du bilan désastreux que la Caisse allait afficher dans son rapport annuel. L'indépendance de la Caisse? Allons donc! Le Québec est petit, et tous les grands décideurs se connaissent.

On sait que M. Charest s'est empressé de déclencher des élections précipitées afin d'éviter de se retrouver en fin de mandat avec ce scandale sur les bras, et qu'il a induit la population en erreur en prétendant, durant la campagne électorale, ne rien savoir de ce qui se passait à la Caisse.

On sait enfin que le gouvernement a eu la main lourde dans le choix contesté de Michael Sabia comme chef de direction de la Caisse. Normalement, le PDG est nommé par le conseil d'administration, la nomination devant ensuite être approuvée par le gouvernement. C'est l'inverse qui s'est produit: M. Sabia était le choix personnel de M. Charest, choix qui a été entériné en catastrophe par un comité réduit à quatre personnes (dont deux venaient d'être nommées par le gouvernement) sur les 12 que compte le CA de la Caisse! Ce procédé inacceptable risque d'amoindrir singulièrement la crédibilité déjà fragilisée de l'institution.

Et puis, évidemment, il y a le CHUM. On parle maintenant de 2018 comme date finale des travaux... «si tout va bien», une petite phrase cauchemardesque pour quiconque a déjà fait construire la moindre cabane. Là aussi la responsabilité personnelle du premier ministre est en cause. Dans ce dossier majeur - le plus important projet gouvernemental de la décennie -, M. Charest a fait preuve d'une indolence incroyable.

Après avoir rejeté le projet du 6000, rue Saint-Denis, choix du gouvernement précédent, M. Charest a opté pour le site Saint-Luc, tout en encourageant les promoteurs du site Outremont à monter leur propre projet... pour les laisser ensuite tomber dès que l'affaire est devenue matière à controverse.

Depuis, il fait le gros dos, laissant le chantier aux mains du ministre Bolduc, un néophyte en politique, et de la ministre Jérôme-Forget, qui a d'autres chats à fouetter. Y a-t-il un patron dans la boîte?

Dans cette province qui a construit des barrages qui font l'admiration du monde entier, M. Charest risque de passer à l'histoire comme le seul premier ministre qui, en trois mandats, n'aura même pas été capable de faire construire un hôpital.

lgagnon@lapresse.ca