Deux sondages aboutissaient, cette semaine, à la même conclusion: les conservateurs de Stephen Harper sont en chute libre au Québec, tandis que les libéraux, sous le leadership de Michael Ignatieff, sont en train d'effectuer une remontée qui pourrait leur redonner le statut de premier parti fédéraliste, étant bien entendu que le Bloc garde son emprise sur la province.

Dans l'ensemble du Canada, les conservateurs restent en tête, mais l'écart se rétrécit.

Selon le sondage du Strategic Counsel commandité par le Globe and Mail, le PC a perdu 12 points au Québec depuis les dernières élections - une dégringolade dont profite le PLC, qui, avec 30% d'appuis, devance les conservateurs par 20 points. Ces chiffres ne sont pas à prendre au pied de la lettre, car l'échantillon retenu pour la province n'est que de 244 (sur les 1000 citoyens interrogés dans le pays). Mais un autre sondage, réalisé par Ipsos Reid pour le National Post, montre les mêmes tendances: une remontée libérale et une nette baisse des conservateurs au Québec, et, au niveau national, la réduction de l'écart entre les deux grands partis.

 

Ailleurs au Canada, Stephen Harper avait bénéficié l'automne dernier de la frayeur provoquée par la perspective d'une coalition soutenue par le Bloc, mais cet effet s'est dissipé. Si l'Ouest, selon le Strategic Counsel, reste acquis aux conservateurs (45% d'appuis contre 23% au PLC), la province-clé de l'Ontario reste partagée (41% pour le PC contre 37% pour un PLC en légère remontée). C'est une mauvaise nouvelle pour les conservateurs, qui devraient y faire d'énormes gains pour être reportés au pouvoir si leur cote continue de baisser au Québec.

Il va de soi que lorsqu'un parti fédéral, comme ce fut le cas du PC ces derniers mois, se trouve attaqué à la fois par la puissante rhétorique du Bloc et par le gouvernement (théoriquement fédéraliste) du Québec, il n'a plus aucune chance de survie. M. Charest et ses ministres n'ayant cessé de jouer la carte nationaliste contre M. Harper (qui avait pourtant cédé au Québec autant qu'il pouvait sans s'aliéner mortellement le reste du pays), le Québec doit probablement dire adieu à tout traitement préférentiel de la part du gouvernement Harper. Ce dernier sera inévitablement obligé de consacrer plus d'efforts à améliorer sa position en Ontario et à consolider ses acquis dans l'Ouest.

Curieuse, cette rumeur qui court et selon laquelle Jean Charest, une fois achevé son troisième mandat, pourrait éventuellement remplacer M. Harper à la tête de son ancien parti. À supposer que M. Charest nourrisse encore, en son for intérieur, le rêve de devenir premier ministre du Canada (ce qui est loin d'être évident), bien des obstacles se dresseraient sur sa route.

En premier lieu, le PC n'est plus le même parti que celui auquel il a appartenu sous Brian Mulroney et qu'il a ensuite brièvement dirigé: le PC est maintenant la chose des héritiers de l'ancien Reform, dont la majorité n'a aucun atome crochu avec le Québec. Au surplus, Jean Charest déteste cette aile réformiste depuis le jour (durant la campagne électorale de 1997) où le Reform l'a violemment attaqué par une publicité dirigée contre les chefs d'origine québécoise.

Enfin, il serait surprenant que les conservateurs canadiens choisissent comme chef un homme dont les dernières années au pouvoir auront été marquées par une alliance implicite avec les «séparatistes» du Bloc, et qui aura été le principal responsable du déclin des conservateurs au Québec. Mon intuition, c'est que Jean Charest, ayant fait son lit, préférera un poste intéressant dans le secteur privé.