Le choix d'Yvon Deschamps comme porte-parole du CHUM est vraiment judicieux. L'histoire de cet hôpital était depuis le début une tragicomédie, elle se poursuit maintenant sur le mode de l'humour noir.

Déjà, les blagues circulent, tout inspirées par les monologues du père de nos humoristes. Échantillon prélevé hier sur des blogues: «Le CHUM, kossa donne?» «Le CHUM s'en va à Juste pour rire.» «Le CHUM, on veut pas le sawoir, on veut le woir»... La meilleure est évidemment venue de Chapleau. Évoquant le fameux Ostid'show auquel l'humoriste a collaboré en 1968, il dessinait hier un Yvon Deschamps en chemise d'hôpital, conviant le peuple à son Ostid'CHUM.

 

Au Québec, tout finit dans l'humour, on se marre, on se tord les côtes, on se roule par terre tellement tout est comique. On va mourir de rire avant d'arriver à l'hôpital, on n'aura même pas à attendre aux urgences!

L'hôpital lui-même, tout universitaire prétend-il être, se met de la partie, en se drapant d'une banderole représentant une infirmière disant: «Je me cherche un CHUM.» Quelle finesse, quelle hauteur de vue, quelle élégance linguistique, quel respect pour le personnel infirmier!

Le génie qui a concocté ce slogan a capté en une seule phrase l'essence même du CHUM, une institution qui se cherche depuis des années et qui, aujourd'hui, cherche désespérément des chums chez les donateurs exaspérés. La langue est relâchée et le concept, vulgaire? Calmons-nous, cela correspond exactement à l'esprit de l'entreprise!

Il fallait être snob pour vouloir doter le Québec français d'un grand centre de recherche et de soins d'envergure internationale bâti dans du neuf, et avec de l'espace. On a préféré un hôpital de proximité, quelque chose de pas impressionnant, mal logé, rafistolé et construit à la va-comme-je-te-pousse, quelque chose qui convient à un peuple qui est, comme Yvon Deschamps l'a si bien illustré dans ses monologues, «né pour un p'tit pain».

Son inoubliable personnage du petit bonhomme exploité mais content de son sort, on le retrouve ici: ce personnage-là, c'est le meilleur chum du CHUM. Il fait rire de lui, mais il rigole: le CHUM, un hôpital pour avoir du fun avec ses chums! Continuons dans cette veine riche d'évocations. Tiens, pastichons le délicieux film de Cédric Klapisch: «Chacun cherche son CHUM»... C'est vrai qu'il va falloir le chercher longtemps, le CHUM, au rythme où vont les choses.

Il vaudrait mieux tout arrêter avant l'irréparable. Hélas! «le train fou continue d'avancer vers le gouffre», comme l'écrivait lundi Joseph Facal dans le Journal de Montréal. «Ce naufrage va nous hanter encore plus longtemps que la Caisse de dépôt», prédit-il.

Il y a au moins un parallèle entre le CHUM et la Caisse... L'ancien ministre Philippe Couillard, à qui l'on doit d'avoir lancé le CHUM sur cette voie désastreuse, a quitté la politique au moment où tout le monde réalisait l'ampleur de son erreur. L'ancien patron de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, l'homme qui avait présidé à la mise en place des stratégies qui ont abouti là où l'on sait, s'est éclipsé avant la fin de son mandat... quittant lui aussi le navire avant le naufrage, en empochant une indemnité de départ de 378 750$, gracieuseté des mêmes contribuables qui ont été lésés par les décisions de la Caisse.

M. Rousseau sortira de son mutisme lundi. Il va probablement nous dire qu'il n'est responsable de rien. Évidemment, dans notre monde de comiques, personne n'est jamais responsable de rien.