Il était pour le moins surprenant que pour leurs premières assises depuis les élections, les 150 délégués de Québec solidaire aient dû se passer de la présence de leur seul et unique député... d'autant plus que l'une des questions à débattre était justement celle des rapports entre le parti et son «aile parlementaire»!

Amir Khadir avait préféré passer le week-end à Toronto, où l'Association des étudiants iraniens tenait une rencontre sur le thème de «l'état actuel de la communauté iranienne dans la société multiculturelle canadienne». M. Khadir est d'origine iranienne, mais a été élevé au Québec.

 

Son explication ne manque pas de piquant. Sa présence, a-t-il dit au Devoir, n'était «pas indispensable», car de toute façon, pendant les conseils nationaux, il est souvent absent des travaux, car il doit «donner des entrevues» et «peaufiner (ses) discours».

En lisant cela, j'ai pensé à René Lévesque, qui a dû se prêter à beaucoup plus d'entrevues et peaufiner beaucoup plus de discours que M. Khadir n'aura jamais à le faire dans toute sa vie... mais qui restait cloué à son siège durant tous ces week-ends de débats, qu'il exécrait par ailleurs. Pourquoi? Par sens démocratique, j'imagine. Parce que les députés doivent leur élection à des militants. Parce que la population, qui assiste par médias interposés à ces réunions, a le droit de savoir ce que se disent les militants et les parlementaires. Parce qu'un député a le devoir de s'informer sur ce qui se vit en dehors de l'Assemblée nationale et en dehors de sa circonscription.

Au fait, René Lévesque s'abstenait en général de donner des entrevues durant les assises de son parti. Et aucun reporter n'aurait eu le toupet d'aller le déranger. Les journalistes, M. Lévesque les rencontrait après l'ajournement, en conférence de presse. Mais il faut croire que M. Khadir est un personnage plus important, donc davantage sollicité par les médias, que ne l'était René Lévesque... ou alors, autre explication, que M. Khadir n'a jamais vu une caméra sur laquelle il n'ait éprouvé le besoin irrépressible de se précipiter... et tant pis si, faute d'avoir quelque chose d'original à déclarer, il utilise un gros truc (le lancer de chaussure sur une photo de Bush) pour avoir sa photo dans les gazettes!

Le lendemain des élections, alors qu'il s'était couché à l'aube après avoir fêté toute la nuit, il avait donné rendez-vous à une journaliste à 8 h15, alors que n'importe quelle personne normale aurait reporté l'entrevue à plus tard dans la journée.

«Les yeux barbouillés, secoué par une mauvaise toux», comme l'écrivait Michèle Ouimet, il ne savait même pas quelle avait été sa majorité, ni même vu un journal... et il donnait en même temps, à partir du téléphone public du café, des entrevues à d'autres médias! Le besoin d'être dans le «spotlight» doit être vraiment très fort chez cet homme-là. On comprend qu'il ait trouvé plus intéressant d'être en vedette à Toronto que de se contenter d'écouter sagement les interventions des militants de son parti pendant deux longues journées, en étant flanqué, par-dessus le marché, d'une coprésidente à laquelle il aurait tout de même dû céder le crachoir de temps à autre.

Françoise David, justement, a expliqué l'absence de son coprésident avec une pointe d'ironie, détail frappant chez une personne dont le sens de l'humour n'est pas la qualité dominante. «Malheureusement, dit-elle aux délégués, notre beau, notre merveilleux député, n'est pas ici aujourd'hui pour des raisons qui échappent à notre contrôle et au sien...». Amusant.