Première rencontre aujourd'hui entre MM. Harper et Obama. S'entendront-ils? C'est probable, et souhaitable.

Aucun des deux n'a intérêt à compromettre la relation de dépendance mutuelle entre le Canada et les États-Unis. En outre, il n'y a pas de raison pour que ce premier contact ne se déroule pas sous le signe de la cordialité.

MM. Harper et Obama appartiennent à la même génération, tous deux sont des cérébraux au tempérament réfléchi. Certes, l'un a du charisme et l'autre n'en a pas, mais dans le contexte d'une réunion de travail, cela n'a aucune importance. Il n'y a pas non plus de différence idéologique importante entre les deux hommes.

 

Malgré l'image romantique qu'il projette, Barack Obama n'est pas plus «à gauche» que Stephen Harper, sauf sur la question environnementale. Ses premières décisions et ses nominations sont le fait d'un politicien prudent et pragmatique, voire à certains égards conservateur. C'est bien plus l'extrême gravité de la crise que des convictions théoriques qui le pousse à faire intervenir l'État dans l'économie. Même sur le pétrole albertain, dont l'extraction endommage l'environnement, son opinion est fort nuancée. Il souhaite collaborer à la mise au point de technologies plus «propres». Il faut dire que les États-Unis sont les plus grands acheteurs du pétrole albertain...

En privé, M. Obama est certainement plus «libéral» qu'il n'apparaît en public, mais on ne l'a jamais entendu condamner la peine de mort, ni le port d'armes; il n'a jamais réclamé l'élargissement des lois des divers États sur l'avortement, jamais non plus appuyé l'idée du mariage gai. Cela reflète le fait que le Canada est invariablement à gauche des États-Unis sur l'échiquier politique; le «tory» moyen serait considéré comme un «libéral» au sud de la frontière.

Sur le plan personnel, le président américain a certainement plus d'affinités culturelles avec Michael Ignatieff, qu'il rencontrera brièvement à l'aéroport d'Ottawa. Les deux hommes sont passés par Harvard, et le chef libéral connaît très bien les États-Unis, alors que M. Harper, qui n'a rien de cosmopolite, a très peu voyagé hors du Canada. M. Ignatieff est en outre un grand ami de Lawrence Summers, l'un des principaux conseillers économiques du président, et de quelques intimes de M. Obama.

Les rapports personnels entre chefs de gouvernement sont beaucoup plus importants qu'on le croit, comme le rappelait cette semaine Brian Mulroney dans une interview à La Presse. Lorsque, en 1985 à Québec, ce dernier courtisait Ronald Reagan, entonnant avec lui des chansons irlandaises, il avait une idée derrière la tête: le libre-échange. L'amitié qui l'a lié à Reagan, puis ensuite à Bush père, a ouvert la voie à ce traité capital.

Le charme légendaire de M. Mulroney a aussi opéré sur le président français François Mitterrand, même si les deux hommes étaient aux antipodes l'un de l'autre, ces liens favorisant les premiers pas de l'Organisation de la francophonie. Son amitié avec Margaret Thatcher a aussi aidé M. Mulroney à pousser le Commonwealth à agir contre l'apartheid en Afrique du Sud.

Jean Chrétien allait quant à lui nouer de bons rapports avec le président Clinton - pas une amitié durable comme celle qui lia les Mulroney aux Reagan et aux Bush, mais une relation cordiale marquée par des parties de golf. À partir de 2003, les rapports entre le Canada et les États-Unis allaient se détériorer, à cause de l'opposition de M. Chrétien à la guerre en Irak et au bouclier antimissile. Ce froid diplomatique n'a cependant pas affecté, du moins à ce que l'on sache, les autres dossiers... preuve, s'il en est une, que la relation est aussi stable qu'importante.