Tiens, cette année la Saint-Valentin succède à un vendredi 13! Comme la chance succède à la malchance...

Espérons, chers lecteurs, que vous n'aurez pas tenté le mauvais sort, hier, en marchant sous les échelles et en vous frottant à des chats noirs!

La Saint-Valentin, donc. Il y a des ronchons qui trouvent cette fête ridicule. Je trouve au contraire charmant qu'une fois dans l'année, entre la Journée du sida, la fête du Travail, le jour des Morts et la commémoration de l'Armistice, il y ait une petite journée consacrée à quelque chose qui n'évoque que du plaisir et du bonheur: le Jour de l'amour...

 

La Saint-Valentin, fête des couples, mariés ou non... Personnellement, j'ai un préjugé favorable envers le mariage. Pour des raisons d'ordre sémantique aussi bien que sentimental.

Les mots, d'abord. J'aime dire «mon mari». Je détesterais devoir l'appeler «mon conjoint» - une expression sèche et juridique, dénuée d'affectivité, qui est du même ordre que cette horrible expression qu'utilisent les anglophones: «my partner»... comme s'il s'agissait d'une relation d'affaires.

Je ne le désignerais pas non plus à des étrangers comme «mon amoureux» - un terme intime qui n'a pas sa place dans les rapports impersonnels. Dirait-on au vendeur ou au plombier: «Je vais en parler à mon amoureux»?

Parlerais-je de «mon chum»? Certainement pas! Je ne voudrais pas non plus qu'il me désigne comme sa «blonde». Ce sont des expressions réservées à ceux qui veulent «faire jeune» à tout prix, des expressions qui ne voyagent pas. Aucune francophone au monde ne désignerait son mari comme son «pote», et dans les pays anglophones, le mot «chum» ne désigne que les copains.

Je n'aimerais pas non plus appeler l'homme avec lequel je partage ma vie «mon compagnon», encore moins «mon ami». J'ai beaucoup de compagnons de travail, j'ai beaucoup d'amis. À une seule personne est réservé le mot «mari», un mot qui correspond à la place unique que cette personne occupe dans votre vie. Se marier, en effet, c'est octroyer à l'autre un statut spécial.

L'union de fait choisie et réfléchie, surtout s'il y a des enfants en jeu, se conclut par la rédaction de contrats et de testaments. Une affaire de notaire. Le mariage est au contraire une cérémonie, un rituel, une fête. Qui plus est, une cérémonie publique, qui atteste du caractère officiel d'une union. C'est pourquoi les couples gais ont tant voulu avoir droit au mariage, qui seul leur offrait la reconnaissance sociale.

Le Québec a le record des unions de fait, au point où 62% des enfants naissent de couples non mariés. À quoi tient ce refus du mariage? Au souvenir (pourtant lointain) des mauvais mariages indissolubles qui asservissaient les femmes? À la volonté de ne rien couler dans le béton? Pourtant, les séparations sont aussi pénibles que les divorces, quand il y a des enfants ou que l'un des deux ressent la rupture comme un abandon. Au désir d'échapper aux conventions et à la routine, et de rester éternellement des amants libres comme l'air? Pourtant, le poids des habitudes pèse de la même façon sur tous les couples qui vivent ensemble depuis des années, qu'ils soient mariés ou non.

Une raison valable de vouloir échapper au mariage réside dans la loi québécoise sur le patrimoine familial, une loi paternaliste et rétrograde. Mais j'y reviendrai un autre jour, je ne veux pas gâcher votre Saint-Valentin!