Mes parents ayant longtemps travaillé dans la recherche pharmaceutique, il y a toujours eu de gros dictionnaires médicaux dans la bibliothèque familiale. Je n'ai jamais été hypocondriaque, ni portée à me trouver des bobos imaginaires. Mais quand même, je ne m'aventurais pas trop dans ces gros bouquins, sachant que j'y découvrirais à chaque mot quelque terrible maladie dont je reconnaîtrais les symptômes. À moi, la sclérose en plaques, la tuberculose et la dégénérescence maculaire! Seuls les cancers de la prostate ou des testicules m'épargneraient!

C'est pourquoi j'ai souri, l'autre jour, à la lecture d'un dossier de notre collègue Sophie Allard sur la «cybercondrie», soit l'hypocondrie induite par la recherche de renseignements liés à la santé dans l'internet.

Les beaux dictionnaires de mes parents font pitié en comparaison des innombrables sites auxquels Google, la fée moderne, vous donne accès. Selon Statistique Canada, près de 60% des utilisateurs ont cherché ce type de renseignements l'an dernier - et les femmes, toujours plus inquiètes pour elles-mêmes ou leurs proches, davantage que les hommes.

Le problème, avec les moteurs de recherche, c'est que, pour expliquer un banal mal de tête, plus on clique d'un lien à l'autre, plus on risque d'aboutir à un diagnostic de cancer du cerveau alors qu'on souffre d'une petite grippe ordinaire. C'est le mauvais côté de la surinformation. Car dans ce fatras de renseignements non triés et non validés, on risque fort de tomber sur des charlatans, ou sur le babillage insensé que déversent les chats.

J'ai un truc pour aller droit au but et contourner les scories qui abondent dans internet. J'ajoute aux mots-clés la mention «Mayo», pour la clinique Mayo, l'un des meilleurs centres de recherche américains sur la santé, qui offre des renseignements concis et clairs.

Vous avez mal au coude? Tapez «elbow pain Mayo», et voilà, vous avez tout: la tendinite, les symptômes, les causes, les cas où il faut requérir l'avis d'un médecin, les remèdes, les traitements à faire à la maison, la prévention, etc.

Évidemment, il y a un hic. Il faut connaître l'anglais. J'ai fait le test avec le CHUM, mais notre hôpital universitaire francophone ne fournit aucun guide du genre. J'ai essayé de trouver un site équivalent dans un hôpital français, disons l'hôpital Cochin. En vain. On offre des résumés d'articles savants et des conversations entre profanes où l'on réfère au CHUM ou à Cochin.

Nul doute qu'en cherchant bien, on trouvera des renseignements sur les tendinites ou sur n'importe quoi d'autre en français. Mais cela requiert une patience et une expertise qui n'est pas à la portée de tous, car il faut se frayer un chemin dans une multitude de sites qui n'offrent aucune garantie de sérieux.

Sujet connexe. Pourquoi les cliniques privées n'affichent-elles pas le profil de leurs médecins dans l'internet? Plusieurs interventions se font maintenant dans le privé. Or, quand on paie de sa poche, n'a-t-on pas le droit de choisir son médecin? Où a-t-il étudié? Depuis combien de temps pratique-t-il? Quelles sont ses spécialités? À quel hôpital est-il affilié?

Quand on achète une auto, on s'informe sur la qualité des véhicules. Quand on achète une boîte de jus d'orange, on regarde la date de péremption. Quand on remet son sort, sa santé et sa qualité de vie entre les mains d'un monsieur ou d'une dame, on aimerait bien connaître plus que son nom et son prénom.

Il va de soi que lorsqu'on arrive aux urgences à moitié mort, ce n'est pas le genre de renseignement que l'on demande. On est content quand un médecin, n'importe lequel, se pointe à l'horizon. Mais pour les interventions électives qui impliquent une réflexion et une décision raisonnée, de même que des frais afférents souvent très élevés, les cliniques privées devraient se faire un point d'honneur d'avoir un site web où seraient exposées les qualifications et les curriculum vitae de leur personnel.

Nous sommes le 6 janvier. Il n'est pas trop tard pour vous souhaiter, chers lecteurs, une très belle année remplie d'amour et de petits bonheurs... et une très bonne santé, avec ou sans l'internet!