Quand un chef de parti sent le besoin de remobiliser sa base, c'est le signe incontournable qu'une campagne va mal.

On l'a vu lors de la présidentielle américaine, quand John McCain a eu recours à Sarah Palin pour rallier la droite républicaine. Pauline Marois, elle aussi, vient de faire un gros appel du pied à sa base péquiste en ramenant sur la table ce référendum dont elle ne voulait plus parler.

Jeudi dernier, Mme Marois a repris le ton belliqueux qui a fait les beaux jours du PQ, en exigeant d'Ottawa le «rapatriement» des pouvoirs et des budgets sur la culture. Advenant un refus, elle a laissé entendre qu'elle n'hésiterait pas à tenir un référendum sur la souveraineté (à moins que ce ne soit sur la souveraineté culturelle?).

Lorsque M. McCain a choisi Mme Palin comme colistière, sa cote a momentanément remonté parce que les intégristes républicains revenaient au bercail... mais cette nomination a finalement eu pour effet d'éloigner les électeurs centristes et d'accélérer sa chute.

Le même phénomène se répètera-t-il dans ce cas-ci? Chose certaine, les souverainistes orthodoxes se réjouiront de cette sortie de leur chef, eux qui menaçaient de rester chez eux le 8 décembre - ou s'abstenaient de militer dans leurs circonscriptions - parce que Mme Marois, en écartant la perspective d'un référendum, avait occulté la raison d'être de leur parti.

Mais à supposer que ce petit regain de ferveur souverainiste de Mme Marois les convainque de revenir au combat, le retour du référendum dans le paysage pourrait fort bien faire perdre au PQ beaucoup plus d'électeurs - des souverainistes modérés, qui pensent qu'un référendum serait suicidaire, aux nationalistes «mous» qui en ont marre des sempiternelles chicanes avec Ottawa.

Ce n'est pas sans raison que Mme Marois, en acceptant la direction du PQ, avait posé comme condition qu'elle n'aurait plus à s'engager à tenir un référendum: le Québécois moyen ne veut pas en entendre parler, surtout pas au moment où ses avoirs fondent et où il s'attend à ce que la crise économique lui fasse perdre son pouvoir d'achat.

En enfourchant le cheval de bataille de la «souveraineté culturelle», Mme Marois ouvre la perspective d'autres batailles avec Ottawa. Et comme il est évident que le gouvernement Harper refusera ce transfert - à plus forte raison si c'est un gouvernement souverainiste qui l'exige! -, la suite logique des propos de Mme Marois, qui se dit déterminée à prendre «les moyens qu'il faut» pour récupérer la souveraineté culturelle, c'est qu'un gouvernement péquiste tiendra tôt ou tard un référendum.

Voilà donc le mot en «R» lancé dans la campagne... Malheureusement pour Mme Marois, il pourrait lui revenir comme un boomerang.

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Il faut dire que sur cette question, Jean Charest s'est, comme on dit, «peinturé dans le coin». Pendant la campagne fédérale, lui aussi avait réclamé de but en blanc la «souveraineté culturelle» - une chose dont personne ne parlait depuis des années, et que personne ne réclamait dans les milieux artistiques.

En ressortant des boules à mites cette ancienne revendication de Robert Bourassa, M. Charest voulait vraisemblablement peaufiner son nouveau personnage de champion du nationalisme québécois.

Mais la récente sortie de Mme Marois lui revient maintenant dans la figure. M. Charest peut bien accuser Mme Marois de fomenter «une crise constitutionnelle» en réclamant la souveraineté culturelle, il reste que la chef péquiste ne fait que reprendre la revendication que lui-même adressait à M. Harper il y a quelques semaines à peine.

La différence entre les deux, c'est que Mme Marois se promet d'aller jusqu'au bout en évoquant la possibilité d'un référendum, alors que M. Charest, en bon bourrassiste ambivalent, se contentera de réclamer une entente administrative... Mais lui aussi, très certainement, se heurtera à un refus d'Ottawa, d'autant plus que M. Harper lui en veut mortellement d'avoir saboté sa campagne au Québec en se faisant l'allié objectif du Bloc québécois. Si son parti revient au pouvoir, que fera M. Charest devant une fin de non-recevoir du fédéral? En tout cas, le PQ l'attendra au tournant...