Les producteurs de bois d'oeuvre québécois ne sont pas au bout de leurs peines. D'ici la fin du mois, ils vont se faire imposer une nouvelle taxe d'au moins 25% sur toutes leurs exportations vers les États-Unis et ils devront de surcroît affronter de nouveaux concurrents qui voudront profiter de leur affaiblissement pour prendre d'assaut le marché américain.

On a l'impression d'entendre un disque rayé.

À la suite de plaintes déposées par des producteurs américains, le département du Commerce des États-Unis va rendre publique, le 24 avril, son évaluation de la proportion de subventions dont bénéficient les producteurs de bois d'oeuvre canadiens.

Pour la cinquième fois en 30 ans, les producteurs américains prétendent qu'ils sont l'objet d'une concurrence déloyale de la part de leurs compétiteurs canadiens qui profitent, selon eux, de droits de coupe fort avantageux puisque leur bois est récolté sur des terres publiques.

Le litige canado-américain du bois d'oeuvre devrait donc se transporter une fois encore vers les instances internationales de règlement de différends commerciaux, à moins qu'un accord ne soit finalisé entre les deux parties.

Les quatre premières tentatives américaines de freiner les exportations de bois d'oeuvre canadiennes en imposant des droits compensatoires ont été renversées par l'Organisation mondiale du commerce ou, plus récemment, par un comité spécial de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

On se souviendra qu'au début des années 2000, le département du Commerce américain avait imposé aux producteurs canadiens des droits compensatoires qui avaient totalisé 5 milliards US. À la suite du règlement du conflit, en 2006, le ministère américain avait remboursé 4 milliards US aux producteurs canadiens.

Grosso modo, les producteurs québécois s'attendent à revivre le même scénario. Ils vont devoir payer une taxe d'au moins 25% - et qui pourrait même s'élever jusqu'à 40% - tant et aussi longtemps qu'un tribunal des différends commerciaux ne statuera pas sur la légitimité de la plainte américaine.

Il faut prévoir entre deux et quatre ans avant qu'un règlement ne survienne, évalue André Tremblay, président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec.

Les producteurs québécois devront donc absorber cette taxe spéciale et arbitraire durant de longues années, ce qui risque de menacer l'existence même de plusieurs entreprises en régions.

Fermer le marché

La situation des producteurs québécois est aussi doublement menacée. Les producteurs américains veulent réduire l'entrée chez eux du bois canadien, qui représente aujourd'hui 34% de la consommation intérieure américaine.

Les producteurs américains souhaitent réduire à 22% la part du bois canadien dans leur marché, ce qui leur permettrait du même coup d'obtenir de meilleurs prix pour leur propre production.

«Les producteurs québécois vont devoir absorber la taxe qui va leur être imposée, ils ne pourront pas la refiler à leurs clients. Ça va donc fragiliser beaucoup de joueurs», évalue André Tremblay.

Les développeurs immobiliers américains sont bien au fait du contexte de cherté que veulent créer les producteurs américains et c'est pourquoi ils ont déjà entamé des démarches vers de nouvelles sources d'approvisionnement.

L'Association des constructeurs de maisons des États-Unis vient de réaliser plusieurs missions au Chili pour établir des relations avec les producteurs de bois de ce pays. Du bois qu'ils vont payer beaucoup moins cher que s'ils s'approvisionnent chez eux.

De la même façon, beaucoup de producteurs européens ont adapté leur production - du système métrique au système américain - pour éventuellement pouvoir écouler une partie de leur production sur le marché américain.

Un pays qui assure moins de 5% de la consommation intérieure américaine n'est soumis à aucune contrainte de la part du département du Commerce américain. Ce qui veut donc dire que plusieurs pays pourraient venir morceler le marché américain et gruger des parts de marché qui appartenaient aux producteurs québécois.

Un nouveau chapitre de la guerre du bois d'oeuvre va donc s'ouvrir prochainement avec, en toile de fond, un président des États-Unis protectionniste, favorable aux taxes à l'exportation et qui approuve totalement la position des producteurs américains.

La semaine dernière, le ministre québécois des Forêts, Luc Blanchette, a reproché au gouvernement fédéral de ne pas vouloir s'engager dans la mise sur pied d'un programme de soutien financier pour épauler les producteurs forestiers québécois qui devront absorber le poids financier énorme de cette taxe aux exportations.

La vérité, c'est que bien des producteurs de bois d'oeuvre québécois ne passeront pas à travers la prochaine crise s'ils n'obtiennent pas un soutien minimal.