Quand le cauchemar devient réalité. C'est le sentiment que beaucoup de gens auront ce matin en se réveillant au lendemain d'une nuit passablement agitée. L'improbable élection d'un populiste mal embouché à la tête de la première puissance mondiale n'a pas fini de faire des vagues dont on a pu saisir l'ampleur dès hier soir sur les marchés financiers.

On dit souvent - et nous l'avons tous personnellement observé à différentes époques et dans différents contextes, au cours des dernières années - que le comportement des marchés boursiers peut s'avérer un redoutable baromètre pour anticiper le comportement prochain de l'économie.

L'improbable éventualité d'une victoire de Donald Trump n'enchantait visiblement pas les marchés, qui abhorrent l'incertitude et l'imprévisibilité, deux variables qui caractérisent le tempérament du présomptueux homme d'affaires devenu à la stupeur de plusieurs le nouveau président des États-Unis.

L'élection d'Hillary Clinton n'aurait sûrement pas marqué l'avènement d'une ère nouvelle dans la vie politique américaine et n'aurait pas été annonciatrice de grands bouleversements sociaux ou économiques aux États-Unis.

Mais l'élection de la candidate démocrate aurait eu le grand mérite d'ancrer la première puissance mondiale dans la continuité, plutôt que de la plonger dans l'imprévisible rupture que propose et incarne depuis plus d'un an le candidat populiste Donald Trump.

La Bourse américaine a enregistré au cours des deux dernières semaines sa plus longue séquence de baisse quotidienne en 35 ans, alors que l'indice S & P 500 a aligné neuf séances consécutives de recul, en raison de la remontée soudaine du candidat républicain dans les sondages à la suite de la relance de l'enquête du FBI sur de nouveaux courriels non sécurisés de Hillary Clinton.

Cette séquence baissière a pris fin de façon spectaculaire lundi lorsque le FBI a confirmé qu'aucune accusation ne serait portée contre la candidate démocrate.

Manifestement, les marchés boursiers appréhendaient le pire advenant la victoire de l'homme d'affaires - champion du repli sur soi, du laisser-faire et de la stigmatisation - , qui allait faire des États-Unis un endroit détestable tant pour les Américains qui y vivent que pour tous leurs partenaires du monde entier. Eh bien, c'est devenu aujourd'hui une probabilité avérée.

Déjà hier soir, à mesure que les résultats du vote confirmaient l'avance du candidat Trump, les marchés asiatiques se sont mis à enregistrer des reculs de plus de 2 %, les contrats à terme sur les actions américaines ont chuté de 4 %, tout comme le peso mexicain et le dollar canadien.

Les résultats de l'élection d'hier constituent une surprise et un puissant signal d'alarme pour tous ceux qui souhaitaient que les États-Unis continuent de jouer pleinement leur rôle de moteur économique mondial et de partenaire de premier plan.

Avec l'élection d'Hillary Clinton, l'économie américaine aurait continué de progresser, l'économie mondiale aurait profité d'une stabilité plus sereine et les marchés financiers auraient certes mieux respiré qu'ils ne le font ce matin.

Avec l'élection de Trump, on tombe dans une zone d'ombre jamais visitée auparavant dont on peut difficilement évaluer les effets à moyen et long terme. Seul l'exercice du pouvoir nous permettra de vraiment saisir jusqu'où le Berlusconi américain est prêt à aller pour « make America great again ».

LE SOLIDE BILAN DÉMOCRATE

L'élection d'un président populiste et simplificateur à outrance comme l'est Donald Trump - qui veut réduire au minimum l'empreinte du gouvernement dans la vie des citoyens et des entreprises américains - a séduit une majorité d'électeurs qui souhaitaient un changement de régime que même les autres aspirants républicains à la présidence n'arrivaient pas à incarner.

Mais on a souvent tendance à l'oublier ou à se laisser imprégner par la prétendue trop grande propension interventionniste des administrations démocrates : c'est sous les récentes présidences démocrates de Bill Clinton et de Barack Obama que l'économie américaine et les marchés boursiers américains ont réalisé leurs gains les plus importants.

C'est durant le règne de Bill Clinton que les États-Unis ont enregistré la meilleure performance économique de leur histoire en alignant 116 mois consécutifs de croissance économique soutenue.

Il s'agit d'un record de tous les temps, alors que durant les huit années des mandats de Bill Clinton, l'économie américaine a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 4 %, générant au passage la création de 22,5 millions d'emplois.

La Bourse américaine a enregistré durant cette période de huit ans la plus forte valorisation de son histoire, alors que l'indice Dow Jones a cumulé un rendement de 230 %.

Lorsque Barack Obama a pris le pouvoir en 2008, après huit années sous la présidence républicaine de George W. Bush, l'économie américaine subissait la pire récession à survenir depuis la Grande Dépression des années 30.

De décembre 2007 à juillet 2010, l'économie américaine a perdu plus de 10 millions d'emplois. Une hémorragie qui a pris fin et qui a cédé la place depuis 2011 à une solide et persistante création d'emplois.

Selon The Hamilton Project, sur la base des 196 000 emplois créés par mois dans la dernière année, les États-Unis auraient retrouvé le niveau d'emplois d'avant la récession de 2007 d'ici le mois d'avril.

Donald Trump a fait campagne sur les succès prétendus et surtout très amplifiés qu'il a obtenus en affaires et il a convaincu les Américains qu'il allait insuffler sa capacité à générer le succès pour redonner aux États-Unis son lustre d'antan. Le menteur devra maintenant tenir ses promesses.