Durant près de 30 ans, Pierre Shoiry a été le moteur de la transformation d'une petite firme d'ingénieurs de Québec en un géant mondial de l'ingénierie. En mars dernier, il a annoncé qu'il quittait son poste de PDG de WSP au profit d'Alexandre L'Heureux, son chef de la direction financière. « À un moment donné, il faut savoir laisser la place », explique bien simplement l'homme de 58 ans qui deviendra sous peu vice-président du conseil de WSP.

C'est en mars dernier que Pierre Shoiry a annoncé qu'il cédait son poste à Alexandre L'Heureux, une transition qui deviendra officielle lorsque WSP aura trouvé le remplaçant désiré pour occuper les fonctions de chef de la direction financière.

« Je n'ai pas attendu et j'ai marqué physiquement le changement de garde en déménageant tout de suite de bureau. C'est Alexandre, le nouveau patron, et la nouvelle a été bien reçue puisque le volume de courriels que je reçois a baissé de façon marquée », m'explique Pierre Shoiry.

Cela faisait des années que le gestionnaire se préparait au passage du flambeau. Après avoir embauché Alexandre L'Heureux comme vice-président finances, en 2010, et travaillé étroitement avec lui au plan de redéploiement à l'étranger qu'a entrepris Genivar, Pierre Shoiry a compris qu'il avait son successeur.

« Moi, on m'a fait de la place très tôt et j'ai décidé de faire pareil. Et je ne voulais pas prendre le risque de perdre Alexandre. J'ai été PDG durant 21 ans, dont les 10 dernières années comme président d'une entreprise publique.

« On a passé à travers 40 trimestres et on n'en a pas échappé un seul. À 58 ans, je veux m'occuper un peu plus de moi et de ma famille. »

- Pierre Shoiry

PLUS DÉVELOPPEUR QU'INGÉNIEUR

Pierre Shoiry a commencé son métier d'ingénieur civil dans une grande société à Québec au début des années 80 avant de rejoindre en 1989 une petite firme d'une centaine d'ingénieurs qui voulait offrir des services d'ingénierie municipale.

« J'ai débuté comme ingénieur civil, mais je me suis rapidement occupé du développement des affaires avant de devenir PDG en 1995. On a consolidé notre position dans l'est du Québec. Mais pour avoir pleinement accès au marché, il fallait être à Montréal », se rappelle le PDG.

C'est ici que Genivar a opéré sa transformation. Rapidement, Pierre Shoiry réalise l'acquisition de trois firmes montréalaises et déménage dans la métropole en 1997 pour poursuivre le mouvement de consolidation qu'il vient d'amorcer.

De 1997 à 2005, Genivar va réaliser 25 acquisitions pour positionner la firme parmi les grands acteurs québécois qui, eux, ont largement profité d'Hydro-Québec et des grands travaux d'infrastructures pour atteindre la taille qu'ils ont.

En 2005, les effectifs de la petite firme de 100 ingénieurs sont rendus à plus de 1000 professionnels. Le groupe réalise des revenus de 180 millions et dégage des profits d'exploitation de 25 millions.

« On a pris la décision de devenir un joueur national, mais on ne pouvait pas faire des acquisitions comme au Québec par échange d'actions. On a effectué une première émission d'actions en 2006 de 110 millions pour réaliser notre expansion canadienne », relate Pierre Shoiry.

En cinq ans et plusieurs autres financements publics, Genivar va réaliser 4 acquisitions en Colombie-Britannique, 4 en Alberta, 12 en Ontario... Le groupe compte près de 5000 professionnels lorsqu'il décide d'entamer sa troisième phase consolidatrice, l'ambitieuse expansion à l'étranger.

« On s'est inspirés du modèle des grands bureaux de comptables qui se sont tous internationalisés. On ne pouvait pas réaliser ce plan seuls, ça nous prenait de gros actionnaires pour nous appuyer.

« C'est là qu'Alexandre L'Heureux a convaincu la Caisse de dépôt et la caisse du Régime de pensions du Canada de participer à notre projet d'arriver à générer 50 % de nos revenus annuels à l'étranger », indique le PDG.

ACTEUR MONDIAL

On connaît la suite. Genivar a réalisé deux mégatransactions consécutives. L'entreprise a triplé de taille en 2012 en acquérant la société britannique WSP, ses 9000 ingénieurs établis dans 35 pays et son chiffre d'affaires de 1,4 milliard. Une transaction qui a entraîné le changement de nom de Genivar.

Puis, en 2014, ç'a été au tour de la firme américaine Parsons Brinckerhoff de passer sous le contrôle de la multinationale québécoise. Grâce à cette transaction réalisée au coût de 1,2 milliard US, WSP double encore une fois de taille.

L'objectif de générer plus de 50 % des revenus annuels à l'étranger a été largement dépassé puisque WSP réalise plus de 80 % de ses revenus annuels de 6 milliards à l'extérieur du Canada. Le géant compte maintenant plus de 35 000 employés dans le monde.

« C'est vraiment l'acquisition de WSP qui a été notre plus grande réalisation. Ç'a été un coup de circuit, non plus gros encore, un grand chelem en fin de neuvième manche. »

- Pierre Shoiry

« On avait toutes les conditions en notre faveur. La Grande-Bretagne était en récession et la livre était à un niveau plancher à 1,52 $US. Le titre de l'entreprise était à son plus bas. Ç'a été une transaction hautement profitable », se souvient Pierre Shoiry.

Avec plus de 60 acquisitions à son actif, des centaines de milliers de kilomètres en déplacements aériens, Pierre Shoiry reste un actionnaire important de WSP, mais il est bien content de savoir son entreprise en bonnes mains, même si ce ne sont pas les siennes.

AU-DELÀ DU GOLF, LA FORME

Comme tous les PDG, Pierre Shoiry n'a jamais vraiment disposé du temps requis pour jouer fréquemment au golf. Bien qu'au cours des dernières années il se soit contenté de jouer une quinzaine de rondes par été, il réussit tout de même à maintenir un respectable handicap de 17. « Cet été, avec mon nouvel emploi du temps, je devrais être en mesure de jouer un peu plus », observe-t-il. Mais au-delà du golf, Pierre Shoiry est surtout un athlète accompli. À 58 ans, il transporte le même poids qu'à ses années universitaires alors qu'il a longtemps pratiqué le tennis et le racquetball. Installé à Tremblant, Pierre Shoiry s'y nourrit de toutes les activités que l'on peut y pratiquer, notamment le ski, le vélo, la natation et le cyclisme. « L'été, je fais beaucoup de vélo, de la course et de la natation. L'an dernier j'ai participé au Sprint Ironman, un petit triathlon. Avec mon travail et tous les voyages que j'ai dû faire, j'ai toujours fait attention à mon alimentation et tenté de trouver le temps nécessaire pour m'entraîner », explique-t-il.