J'ai eu le plaisir et le bonheur de côtoyer durant trois semaines Jean Lapierre durant la campagne électorale provinciale de 2008. Trois semaines durant lesquelles j'ai été quotidiennement ébahi par l'incroyable - mais toute naturelle - faculté que l'ex-politicien communicateur avait pour « connecter » avec les gens. Les gens de toutes catégories sociales et de toutes allégeances politiques.

C'est évidemment Jean Lapierre qui avait eu l'idée. Nous allions couvrir la campagne électorale en sillonnant les régions du Québec à bord d'un autocar de campagne, semblable à celui des chefs de parti. Lui pour les réseaux TVA et Cogeco et moi pour le Journal de Montréal et le Journal de Québec.

J'étais un peu hésitant à m'embarquer dans pareille aventure, pas emballé du tout même de devoir faire le tour du Québec dans un autocar tapissé de nos photos grand format, style politicien... On repassera pour la discrétion.

« Tu peux pas savoir comment ça pogne. Pas en ville ni dans les grands centres, mais en région, l'autobus, ça attire le monde. Les gens veulent et viennent nous rencontrer », m'avait convaincu Jean, qui est devenu instantanément un ami.

Non seulement il a eu raison quant à l'efficacité du moyen de transport, mais durant trois semaines, c'est lui qui a copiloté le gigantesque véhicule en insistant pour que le chauffeur arrête à chacun des centres commerciaux qui croisaient notre route.

Que ce soit en Beauce, dans les Bois-Francs, dans le Bas-du-Fleuve, en Gaspésie ou au Lac-Saint-Jean, le scénario restait le même.

« On va aller prendre le pouls du monde », me disait-il, enjoué, tout en s'empressant de descendre pour se lancer à la rencontre des gens ordinaires dans les allées des centres commerciaux.

Pendant que je m'occupais à documenter les enjeux économiques des régions où on faisait escale, Jean poursuivait inlassablement son pointage sur les candidats de la place, en se renseignant sur les sujets d'actualité, de discorde, les attentes des électeurs.

Et c'est lui qui, systématiquement, choisissait avec une rare minutie les restaurants où on irait dîner ou terminer la journée. Là encore, il fallait attendre qu'il fasse le tour des tables avant de pouvoir espérer commander. Il avait toujours cet impérieux et irrépressible besoin de jaser avec le plus de gens possible.

Ce même Jean Lapierre, dont de nombreux Québécois ne pouvaient se passer des commentaires politiques quotidiens à la radio ou la télé, était aussi éminemment connecté avec le monde des affaires montréalais et québécois qu'il côtoyait au restaurant.

À Montréal, il avait ses quartiers généraux dans de multiples établissements, qu'il fréquentait en observant une rotation constante pour varier de clientèle et surtout élargir sans cesse ses sources de nouvelles. Il arrivait à connecter avec tout le monde et tout le monde pouvait connecter avec lui.

La mort tragique de ce grand communicateur a créé un choc immense hier pour tous les Québécois, et nos pensées vont à sa mère très durement éprouvée ainsi qu'à ses enfants Jean-Michel et Marie-Anne, et leurs quatre enfants, que Jean chérissait plus que tout au monde.