Suzanne Fortier, la principale et vice-chancelière de l'Université McGill, est la première haute dirigeante d'une université canadienne à être invitée à devenir membre du Global University Leaders du Forum économique mondial, un club sélect qui regroupe une vingtaine de recteurs des plus prestigieuses universités du monde.

En bonne chercheuse qu'elle est, Suzanne Fortier ne s'accorde aucun mérite d'avoir reçu pareille invitation et attribue sa présence à Davos à la grande notoriété qu'a acquise au fil des décennies l'institution qu'est l'Université McGill.

« C'est évidemment très bien d'être invitée dans ce groupe privilégié, mais moi, je dis que c'est McGill qui s'est distinguée pour que je me retrouve ainsi avec mes homologues de Harvard, Cambridge, Oxford ou Stanford », m'explique-t-elle, tout juste avant d'assister à une première rencontre avec ses collègues.

En fonction depuis deux ans et demi à titre de haute dirigeante de l'Université McGill, Suzanne Fortier avait, de fait, toutes les raisons d'être invitée par le groupe de discussions du Global University Leaders (GUL) du Forum économique mondial, tant son cursus impressionne.

Le seul champ d'étude qu'elle a choisi lorsqu'elle s'est inscrite au baccalauréat en chimie à McGill révèle toute l'unicité du personnage. Elle a fait un baccalauréat spécialisé en cristallographie, puis une maîtrise et un doctorat.

« On m'avait avisé lorsque je me suis inscrite que j'allais être pas mal seule. J'étais effectivement la seule étudiante dans plusieurs de mes classes », confesse-t-elle.

Il faut préciser ici que la cristallographie est l'étude de l'architecture de la matière à l'échelle atomique. « La cristallographie a servi notamment à faire la cartographie de l'ADN », illustre la chercheuse.

Après l'obtention de son doctorat, Suzanne Fortier a eu un poste de professeur de chimie à l'Université Queen's où elle devenue responsable de la recherche durant cinq ans avant d'occuper la fonction de vice-principale à l'enseignement durant une autre période de cinq années.

Avant de se joindre à McGill, Suzanne Fortier a dirigé durant sept ans le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNGC), où elle a milité activement pour une plus grande ouverture à la collaboration entre les universités et les entreprises privées.

Et c'est exactement autour de cet enjeu que se sont déroulées les discussions des 20 recteurs d'université réunis à Davos.

« De plus en plus, la recherche universitaire de pointe se rapproche des besoins de l'industrie, de l'économie ou de la politique. Il y a 20 ans, la recherche appliquée ne présentait pas beaucoup d'attrait pour les chercheurs qui voulaient s'attaquer à de plus grandes découvertes. » - Suzanne Fortier, principale et vice-chancelière de l'Université McGill

« Mais aujourd'hui, il y a une plus grande convergence entre la physique, la chimie et le numérique. Les grandes découvertes sont les germes de l'innovation disruptive d'aujourd'hui. La recherche universitaire est au coeur de la quatrième révolution industrielle », insiste Suzanne Fortier.

À titre de rectrice de l'Université McGill, Suzanne Fortier souhaite que l'institution serve à l'enrichissement et au développement de Montréal, du Québec et du Canada.

En plus de ses rencontres avec le GUL, la rectrice a participé à quatre ateliers durant le Forum économique, notamment celui qui portait sur l'avenir du Canada.

« On voit bien à Davos que la recherche et l'innovation sont au centre de nombreux ateliers, qu'il s'agisse de finances, de services ou de production industrielle avec l'utilisation des matériaux croisés. L'économie dans son ensemble a besoin des grandes découvertes pour poursuivre sa progression », constate-t-elle.

À la suite de sa participation à l'atelier sur le Canada, Mme Fortier s'est jointe à une rencontre privée convoquée par le premier ministre Trudeau et les PDG d'une vingtaine d'entreprises canadiennes pour discuter très précisément d'innovation.

Parmi les activités hors sessions qu'elle a le plus appréciées, elle identifie spontanément le souper qu'elle a partagé avec six lauréats du prix Nobel en sciences, dont John O'Keefe, Prix Nobel 2014, un Américain qui a décroché son doctorat en psychologie physiologique à l'Université McGill en 1967, dix ans avant qu'elle obtienne son doctorat en cristallographie.