L'afflux constant de réfugiés, la perpétuelle menace terroriste, le retrait imminent de la Grande-Bretagne de l'Union européenne et les incessantes tensions au sein de cette même Union, décidément, l'avenir de l'Europe n'a jamais semblé aussi incertain. C'est aussi le constat qu'ont fait jeudi des personnalités politiques pleinement touchées par ces enjeux lors d'un débat qui portait justement sur l'avenir de l'Europe.

Le premier ministre français Manuel Valls, le premier ministre des Pays-Bas et président du conseil de l'Union européenne Mark Rutte, le premier ministre de Grèce Alexis Tsipras, le ministre fédéral allemand des Finances Wolfgang Schäuble et Emma Marcegaglia, la présidente du groupe énergétique italien Eni, ont tous convenu hier que l'Europe devait rapidement se réformer.

« On est proche de la désintégration. L'Europe peut sortir de l'histoire », a sombrement prévenu le premier ministre Valls, encore visiblement ébranlé par les récents attentats terroristes survenus à Paris. Selon lui, l'Europe en a pour au moins une génération à faire la guerre au terrorisme.

Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a pour sa part déploré la façon dont on a géré la crise des migrants qui a été, à ses yeux, honteuse pour la culture et la civilisation européennes.

Le ministre des Finances allemand, son « bourreau » de l'an dernier, lors de la crise du refinancement de la dette grecque, abondait dans le même sens en répétant à plusieurs reprises que l'Allemagne doit obligatoirement réduire le flot de réfugiés qu'elle accueille.

Le Néerlandais Mark Rutte a pour sa part plaidé pour la réforme urgente de l'Union européenne alors que seulement 35 % de l'activité économique circule librement dans ce qui est censé être un marché commun.

« Tout ce qui est numérique, énergie, ressources naturelles, marchés des capitaux et les professions est encore protégé dans chaque État membre », a-t-il insisté, alors que la libéralisation du marché pourrait représenter pour l'Europe l'équivalent de deux fois le produit intérieur brut des Pays-Bas.

La PDG du Groupe Eni, Emma Marcegaglia, a pour sa part résumé le tout avec une formule-choc. « Quand il y a une nouveauté, les Américains s'enthousiasment, les Chinois la copient et 

les Européens réglementent. »

Ce sombre constat sur l'état de l'Europe survenait au lendemain d'une autre journée désastreuse sur les marchés boursiers. Après la Bourse canadienne, ç'a été au tour des Bourses française, britannique et japonaise de sombrer, mercredi, en territoire baissier, c'est-à-dire que chacun de ces marchés venait de cumuler des pertes de 20 % depuis l'atteinte de son dernier sommet.

Mercredi, le FTSE All-World index est lui aussi tombé. Par ailleurs, les Bourses américaines atteignaient le seuil de la correction boursière, les trois principaux indices ayant franchi la marque des 10 % de baisses consécutives.

SNC-LAVALIN AU-DELÀ DES CRISES

C'est donc sur fond de débâcle boursière que j'ai aussi rencontré hier matin Neil Bruce, le nouveau PDG de SNC-Lavalin, qui en est à sa cinquième participation au Forum économique mondial (FEM) de Davos.

Neil Bruce était fier de me montrer un tableau sur son téléphone portable qui affichait tous les principaux indices boursiers en rouge et le titre de SNC-Lavalin qui a traversé la tempête de mercredi en hausse.

L'action de SNC-Lavalin a tout de même perdu 7 % de sa valeur au cours de la dernière année, mais elle cumule des pertes nettement inférieures à celles du TSX.

« Ce n'est pas grave que ton action baisse si cette baisse suit la tendance du marché. Ce qui est inquiétant, c'est quand le marché monte et que ton action recule », précise M. Bruce.

Ç'a été le cas de SNC-Lavalin, qui a vu la valeur de son action fondre de plus de 35 % entre 2014 et 2015, dans la foulée des différents scandales entourant le versement de possibles pots-de-vin pour l'obtention de contrats à l'international.

L'entreprise a conclu en décembre dernier une entente administrative avec le gouvernement fédéral lui permettant de continuer de soumissionner des contrats gouvernementaux malgré les accusations qui pèsent toujours sur l'entreprise.

« C'est une première étape, mais on veut maintenant suspendre les poursuites et régler les amendes s'il y a lieu. C'est la situation qui prévaut pour les entreprises aux États-Unis et en Europe. On veut tourner la page pour stopper les mauvaises perceptions qui peuvent persister à notre égard », explique le PDG.

Neil Bruce est un participant actif au FEM. Il va assister à une quinzaine d'ateliers tout en prenant part aux activités de l'Infrastructures Group dont il est membre.

« Ce groupe de travail est vraiment exceptionnel. On a des ateliers avec des sommités mondiales qui nous donnent des pistes pour que nos interventions n'aient pas seulement un impact utilitaire, mais servent à l'enrichissement des sociétés.

« SNC-Lavalin peut et veut faire du Québec et du Canada un meilleur endroit pour vivre. On veut s'impliquer pour mettre en place les infrastructures de la quatrième révolution industrielle, comme bâtir un réseau internet 10 fois plus puissant que celui qu'on a aujourd'hui. »

Le PDG rappelle que son entreprise est un acteur national majeur avec ses 15 000 employés au Canada, et qu'elle est aussi un acteur mondial avec 25 000 employés à travers le monde.

PRÉCISION

En voulant abréger ma chronique de jeudi, on a malencontreusement modifié le sens du texte original. À son premier discours officiel à Davos, Justin Trudeau ne s'est pas illustré pour la pertinence de ses propos économiques, mais davantage pour la chaleur et l'empathie avec lesquelles il a décliné sa vision économique du Canada.

PHOTO RUBEN SPRICH, REUTERS

La PDG du groupe énergétique italien Eni, Emma Marcegaglia 

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le PDG de SNC-Lavalin, Neil Bruce.