Le système canadien de gestion de l'offre pour la production de lait, d'oeufs et de volaille ne pouvait pas résister indéfiniment aux pressions naturelles des marchés et de la libéralisation des échanges commerciaux. Déjà, l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne avait ouvert une brèche que l'accord de Partenariat transpacifique, intervenu hier, n'a fait qu'élargir davantage.

Le système de quotas canadiens restait l'enjeu le plus délicat des négociations de ce 51e accord commercial que vient de conclure le Canada avec ses différents partenaires étrangers.

Sauf que le Partenariat transpacifique est aussi la plus importante entente commerciale en matière de marché (800 millions de consommateurs) et de valeur économique (produit intérieur brut combiné de 28 500 milliards, soit 40% du PIB mondial).

Le système canadien de gestion de l'offre a été mis sur pied dans les années 70 pour assurer aux producteurs de lait, d'oeufs et de volaille un revenu stable et prévisible, à l'abri des fluctuations violentes des marchés.

Étant donné les conditions climatiques nettement défavorables avec lesquelles doivent composer les producteurs canadiens, on a préféré au Canada assujettir les prix à la consommation aux coûts de production plus élevés que nos producteurs doivent absorber.

La gestion de l'offre a aussi mis en place des barrières strictes à l'importation de produits étrangers de façon à ne pas influencer à la baisse la structure des prix.

Le Canada a réussi à protéger son système de gestion de l'offre dans le cadre de plusieurs négociations commerciales bilatérales et multilatérales, notamment lors de la conclusion de l'accord de libre-échange avec les États-Unis, puis celui qui incluait le Mexique.

Mais déjà, l'an dernier, la conclusion de l'accord Canada-Union européenne a ouvert une brèche importante dans les préceptes qui encadraient le système canadien de gestion de l'offre, lorsque le Canada a accepté d'augmenter de 17 000 tonnes les importations canadiennes de fromages européens.

Protection plutôt que préservation

Le gouvernement conservateur à Ottawa a toujours affirmé qu'il allait préserver coûte que coûte les trois piliers du système de gestion de l'offre durant les négociations de l'accord de Partenariat transpacifique.

«On avait demandé au gouvernement de ne faire aucune concession sur le système canadien de gestion de l'offre. Oui, Ottawa a préservé les trois piliers, mais il ne les a pas protégés puisque les pays partenaires vont avoir maintenant accès à 3,25% du marché canadien», a déploré, hier matin, Marcel Groleau, président de l'Union des producteurs agricoles du Québec.

Marcel Groleau a passé les sept derniers jours à Atlanta, tout comme il avait assisté aux négociations de l'accord de Partenariat transpacifique l'été dernier à Maui. Jusqu'à la fin, il était convaincu que le Canada aurait pu conclure une entente sans ouvrir son système de gestion de l'offre, même s'il le savait menacé.

«On n'aurait pas fait toutes les manifestations des derniers jours si on avait su que la gestion de l'offre n'était pas menacée. Mais on sentait une volonté ferme du Canada de ne pas céder et, pendant toute la durée des discussions, on sentait le Canada assez solide», confie Marcel Groleau.

Ce dernier a bien vu que les discussions étaient sérieuses à Atlanta puisque, contrairement à Maui, rien n'a transpiré jusqu'à la dernière minute.

Jusqu'à ce qu'il apprenne, hier matin, qu'en plus des 17 000 tonnes de fromages européens, les producteurs canadiens vont devoir absorber 14 000 tonnes de fromages additionnelles, en provenance principalement des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande.

C'est la Nouvelle-Zélande, qui voulait avoir un accès au marché américain, qui a forcé l'ouverture du système canadien de gestion de l'offre. Les Américains étaient prêts à ouvrir leur marché aux Néo-Zélandais à la condition que les producteurs américains puissent eux-mêmes avoir accès au marché canadien.

«Les Américains voulaient une entente à effet nul. Ils vont l'avoir, mais ils n'ont pas exigé une plus grande ouverture du marché canadien. Pour eux, 3,25% du marché canadien, c'est suffisant, mais en ce qui concerne nos producteurs, ce sera ça de moins pour eux», déplore Marcel Groleau.

Ottawa a prévu des programmes de compensation totalisant 4,3 milliards qui serviront à dédommager la perte de marché pour les producteurs canadiens. L'ouverture du système de gestion de l'offre fera tout simplement passer la facture de la perte de production du consommateur canadien au contribuable canadien.