Alain Bouchard et ses trois associés, cofondateurs de la chaîne de dépanneurs Couche-Tard, ont retiré la proposition d'amendement qu'ils souhaitaient soumettre aux actionnaires du groupe hier, au cours de leur assemblée annuelle. Les quatre fondateurs espéraient modifier les statuts de l'entreprise pour prolonger la vie des actions à votes multiples qu'ils détiennent et qui leur assurent le plein contrôle de la multinationale de l'accommodement.

Les quatre fondateurs du groupe, soit Alain Bouchard, anciennement président et chef de la direction et aujourd'hui président exécutif du conseil d'administration, Jacques d'Amours, anciennement vice-président administration, Richard Fortin, anciennement chef de la direction financière, et Réal Plourde, anciennement chef des opérations, possèdent collectivement 22,7% du capital-actions de Couche-Tard.

Les quatre hommes, qui siègent tous au conseil d'administration de l'entreprise, sont propriétaires de 113 millions d'actions à vote multiple (10 votes par action) et 16 millions d'actions subalternes, ce qui leur confère 60,3% des droits de vote rattachés à la totalité des actions en circulation.

Les quatre fondateurs de Couche-Tard ont donc une confortable majorité des voix qui prémunit le groupe contre toute offre d'achat hostile qui pourrait être faite sur l'entreprise qu'ils ont fondée il y 35 ans.

Cette police d'assurance est toutefois menacée par une clause crépusculaire inscrite dans les statuts de la société qui prévoit que la dualité de classe d'actions doit disparaître lorsque le plus jeune des quatre fondateurs aura atteint l'âge de 65 ans.

À partir de cette date ou le jour où les quatre fondateurs ne détiendront plus 50% des droits de vote sur toutes les actions en circulation, la catégorie d'actions à vote multiple disparaît et les quatre fondateurs se retrouvent avec des actions ordinaires, égales à celles de tous les petits porteurs.

Or, deux des quatre fondateurs, Alain Bouchard et Richard Fortin, ont atteint cet âge charnière et Réal Plourde va franchir le cap prochainement. Jacques d'Amours, le plus jeune du quatuor, a 58 ans. Il reste donc six ans avant que la clause ne s'applique, mais les fondateurs de Couche-Tard veulent prévenir les coups.

«S'il arrive quelque chose à Jacques, on perd le contrôle de Couche-Tard. On a bâti cette entreprise et on est tous encore impliqués dans son succès et on ne veut pas devenir vulnérables à une prise de contrôle hostile ou à un actionnaire activiste», a résumé, hier, Alain Bouchard.

Les fondateurs proposaient de maintenir les actions à vote multiples tant que l'un d'entre eux siégera au conseil du groupe.

Mauvais synchronisme

Les actionnaires de contrôle de Couche-Tard n'ont pas obtenu l'appui de 66% des détenteurs d'actions subalternes requis pour adopter un amendement et ont donc été obligés de retirer leur proposition.

Selon Alain Bouchard, le délai entre l'envoi de la circulaire, à la fin de juillet, et la tenue de l'assemblée était trop court.

«On a manqué de temps. Les gestionnaires de fonds étaient d'accord avec notre proposition, mais certains comités de gouvernance ont émis des réserves. Il aurait fallu les rencontrer, leur expliquer. Mais c'était l'été, ils étaient en vacances», déplore l'entrepreneur, qui, bien que dépité, espère représenter la même proposition, possiblement au cours d'une assemblée extraordinaire.

Selon mes informations, ce n'est pas la Caisse de dépôt qui a été réticente à appuyer l'amendement, bien au contraire. Metro, qui est aussi un investisseur important dans Couche-Tard, n'a pas fait obstacle. Les fonds Fidelity, qui sont le plus important actionnaire du groupe québécois, après Alain Bouchard, auraient été plus rétifs.

Chose certaine, si on avait demandé aux seuls petits actionnaires de se prononcer, les fondateurs de Couche-Tard auraient eu le feu vert sur-le-champ.

Ils étaient nombreux hier après-midi au Sheraton de Laval à savourer les dernières données financières du groupe. On leur a rappelé que le titre de Couche-Tard avait progressé de 980% depuis avril 2010. Depuis le début de 2015, c'est une plus-value de 100% qu'a enregistrée le titre qui déclasse toutes les entreprises qui forment le TSX 60.

Dans l'argumentaire d'Alain Bouchard pour défendre la pertinence de maintenir les actions à droits de vote multiple, l'ex-PDG rappelle que l'investisseur qui a payé 2,25$ son action lors de la première émission de 1986 a vu celle-ci s'apprécier de 650 fois pour atteindre aujourd'hui 1392$.

Le nouveau PDG de Couche-Tard, Brian Hannasch, a par ailleurs profité de la tenue de l'assemblée annuelle des actionnaires pour annoncer que tous les magasins du groupe - tant aux États-Unis, qu'au Canada et en Europe - allaient dorénavant afficher l'enseigne Circle K.

Le Québec, société distincte et berceau de l'empire Couche-Tard, va conserver la dénomination Couche-Tard pour l'ensemble de son réseau de dépanneurs.