Le monde des affaires aime souligner le succès, et on le célèbre chaque année par l'entremise d'une multitude de galas organisés par des chambres de commerce, des grandes firmes comptables et de consultants, des institutions financières...

Il existe pourtant d'autres mérites que le succès, et on se doit de les souligner tout autant. La résilience, soit l'art de survivre et durer malgré les épreuves, est l'une de ces qualités qui distinguent les entreprises gagnantes sur le long terme des autres qui finissent par s'éteindre.

Alta Précision, une PME du secteur de l'aérospatiale qui fabrique des composantes complexes pour la fabrication de trains d'atterrissage, est l'une de ces entreprises dont l'histoire, inspirante, parle de cette force nécessaire pour surmonter les plus grands obstacles.

La situation de redressement qu'elle a traversée a été vécue comme une véritable épreuve par son PDG, Guillermo Alonso.

«On est en 2012. On a le vent dans les voiles. On vient d'obtenir un contrat du fabricant de trains d'atterrissage Lieber pour fournir la CSeries de Bombardier. On ne fabrique pas seulement des pièces mais on fait l'assemblage final de grosses composantes», rappelle le PDG.

L'entreprise d'Anjou doit agrandir son usine et l'équiper pour répondre aux commandes, mais elle utilise son fonds de roulement. Erreur. Cette mauvaise gestion de contrats amène son prêteur à court terme, la Banque Nationale, à lever le drapeau et à placer Alta Précision dans la catégorie des «comptes spéciaux». La Banque de développement du Canada (BDC), qui est son prêteur à long terme, fait de même.

«Les comptes spéciaux, ça veut dire que ça va mal. On devait avoir des rencontres hebdomadaires pour faire le point avec nos banquiers. On était à leur merci. Heureusement, la BDC a posé un moratoire de six mois sur son prêt, ça nous a donné un peu d'air.

«Puis, la première chose que j'ai faite, ç'a été d'embaucher un vrai chef de la direction financière, ce que j'aurais dû faire bien avant... Après six mois, on s'est mis à respirer, puis on a ouvert notre capital à Desjardins Capital de risque qui a investi 4 millions. Et en mai 2013, on sortait enfin des comptes spéciaux. Ç'a été une période très angoissante et éprouvante», relate aujourd'hui Guillermo Alonso.

Passée proche du gouffre il y a trois ans, Alta Précision va doubler prochainement la superficie de son usine qui sera équipée de nouvelles technologies qui vont hausser sensiblement sa productivité.

Alta Précision a décroché le contrat pour fabriquer directement pour Embraer des composantes des trains d'atterrissage de sa nouvelle génération d'appareils E-2, et ce, pour la durée de vie de production de l'avion. La résilience, c'est gratifiant, mais ça peut même devenir payant.

La résilience honorée

Justement, il existe depuis deux ans un nouveau prix qui se distingue d'entre tous en ce qu'il souligne le grand et courageux mérite de la résilience.

Alta Précision aurait pu être finaliste de ce Prix de la résilience remis par la Banque de développement du Canada, mais elle n'a pas déposé sa candidature.

La Banque a plutôt remis mercredi, pour la deuxième année de son histoire, le Prix résilience entrepreneuriale BDC à une entreprise manufacturière de l'Alberta, la société Modus, pour être ressortie plus forte d'un redressement au cours de la dernière année.

Depuis deux ans, une vingtaine d'entreprises se qualifient pour le Prix de la résilience en soumettant la feuille de route du parcours qu'elles ont réalisé pour émerger d'une crise qui aurait pu les entraîner carrément vers la cessation définitive de leurs activités.

René Leduc, vice-président, unité d'intervention en restructuration, à la BDC, est celui qui chapeaute ce concours nouveau genre qui vise à souligner le courage et la ténacité d'entreprises et d'entrepreneurs qui ont eu à surmonter des situations de crise particulièrement aiguë.

«On souligne, avec raison, le mérite des entreprises dans le cours normal de leurs affaires, mais cela fait plus de 20 ans que j'accompagne des entrepreneurs en situation de crise qui démontrent une résilience particulièrement inspirante.

«C'est important de démystifier l'échec et de faire comprendre que ce n'est pas la fin du monde, qu'il y a moyen de s'en sortir», souligne le gestionnaire qui a travaillé durant 20 ans dans un cabinet de syndic avant d'être recruté, en 2010, par la BDC pour mettre sur pied une unité spéciale d'intervention en restructuration.

On était au lendemain de la grande récession de 2008-2009, et la BDC constatait que quantité de ses clients souffraient encore des stigmates de la crise. Pis, plusieurs menaçaient de déposer leur bilan.

«On a mis sur pied cette unité d'intervention en restructuration et, depuis quatre ans, on a travaillé sur plusieurs centaines de dossiers d'entreprises en difficulté au Canada. Aujourd'hui, on a plus de 1 milliard de prêts engagés dans des entreprises en restructuration et on obtient un taux de succès de 85%», précise René Leduc.