Mécontents des résultats financiers de Bombardier, les investisseurs ont encore massivement largué ses actions jeudi et fait prendre une autre débarque importante à son titre, de près de 10 % celle-là. La veille, le même marché avait pourtant fait grimper de 7 % la valeur boursière de l'entreprise montréalaise en reconnaissant enfin la valeur largement occultée de sa division transport.

Depuis cinq ans maintenant, les investisseurs se sont résolument mis sur le mode dépressif quant aux perspectives de décollage de la valeur de l'action de Bombardier. Le mouvement de morosité a pris de l'ampleur depuis le début de l'année alors que le titre a perdu plus de 50 % de sa valeur.

On connaît les raisons. Les coûts sans cesse grandissants de développement de la nouvelle CSeries, la faiblesse de son carnet de commandes et les perspectives assombries entourant le marché de sa division Avions d'affaires.

Malgré tout, Bombardier a livré jeudi des résultats meilleurs que ceux anticipés par les analystes, alors que son bénéfice net a chuté moins que prévu, de même que des revenus conformes au marché, à 4,6 milliards US.

Ce qui n'a pas empêché ce même marché de sanctionner encore une fois le titre de Bombardier en faisant chuter sa valeur à 1,76 $, en baisse de 9,74 %.

La conférence téléphonique qu'a tenue jeudi le PDG de Bombardier, Alain Bellemare, et son chef de la direction financière, Pierre Alary, pour discuter des résultats financiers du deuxième trimestre du groupe, s'est prolongée durant deux bonnes heures.

Deux heures durant lesquelles les analystes financiers sont revenus de façon systématique - et non sans raison - sur le niveau étonnamment élevé de liquidités qu'a engagées Bombardier durant le dernier trimestre, soit 808 millions US comparativement à 439 millions US, l'an dernier, pratiquement le double.

Pour les deux premiers trimestres de 2015, Bombardier a dépensé 1,6 milliard pour assurer principalement le développement de ses nouveaux programmes de la CSeries et du Global 7000 et 8000, des coûts nettement supérieurs à ceux auxquels l'entreprise avait habitué les spécialistes qui suivent ses performances financières et industrielles.

Et la direction a fait comprendre que ses besoins en liquidités allaient être sensiblement du même ordre l'an prochain alors que la CSeries entreprendra toutefois son entrée officielle en service, ce qui devrait progressivement enlever de la pression sur ses besoins financiers.

Une transition complexe

Alain Bellemare et Pierre Alary, le vice-président Finances qui quitte la direction de Bombardier pour prendre sa retraite, ont bien expliqué que l'entreprise avait pris les mesures nécessaires pour répondre à cette saignée attendue dans ses liquidités.

Grâce à un financement public réalisé plus tôt cette année, Bombardier se retrouve avec des liquidités de plus de 4 milliards au 30 juin pour faire face à ses obligations financières pour le reste de l'année.

De plus, l'entreprise obtiendra un financement additionnel grâce à la vente d'une fraction de sa division Bombardier Transport qui réalisera son entrée en Bourse d'ici la fin de l'année.

On estime que la division Transport est à elle seule évaluée à 5 milliards alors que la valeur boursière de Bombardier inc. est inférieure à 3,4 milliards.

En inscrivant Bombardier Transport à la cote de la Bourse de Francfort, Bombardier va cristalliser et monétiser une valeur pour sa division que le marché ne lui reconnaît pas ou lui reconnaît seulement partiellement lorsqu'une rumeur de pourparlers de fusion avec Siemens ou Alstom surgit dans l'actualité.

Pour réduire l'utilisation de ses liquidités, l'entreprise a aussi mis en place un plan de transformation qui veillera à optimiser son fonds de roulement et à assurer une meilleure synchronisation de la chaîne d'approvisionnement.

Déjà, en ramenant la cadence de production de ses avions d'affaires Global 5000 et 6000 à 60 appareils par année plutôt que les 80 appareils qui étaient produits, l'entreprise va réduire ses coûts d'inventaire et mieux répondre au marché refroidi par les ralentissements observés dans les marchés de la Russie, de la Chine et de l'Amérique latine.

Heureusement que Bombardier a tout de même livré de meilleurs profits que ceux espérés par les analystes à son dernier trimestre. On peut imaginer ce qui serait arrivé au titre si l'entreprise avait plutôt annoncé une perte importante. La réaction bipolaire du marché aurait été assurément survoltée.