Le dollar canadien a clôturé hier à un creux vieux de plus de 10 ans, à 76,70 cents US. Il faut remonter à septembre 2004 pour retrouver notre dollar à ce point dévalué, mais, faut-il rappeler, il était alors en pleine remontée, ce qui est tout à fait l'inverse de la situation actuelle.

Spontanément, la chute du dollar canadien nous amène à revenir sur le comportement passé de notre devise, mais sa dégringolade qui semble se systématiser démontre aussi que ce n'est pas seulement notre dollar qui réalise un retour en arrière, mais toute l'économie canadienne qui semble revivre la même situation qui prévalait au début des années 2000.

Il y a 15 ans, l'économie occidentale était en pleine révolution numérique. Même si les investisseurs se remettaient du formidable lendemain de veille qui a suivi le krach des titres de l'internet, en mars 2000, l'éclatement de la bulle technologique n'a pas brisé l'élan ni l'ampleur de cette nouvelle révolution économique.

L'économie canadienne, essentiellement identifiée au secteur des ressources naturelles, semblait évoluer en marge de cette révolution, poussant ainsi les investisseurs étrangers à bouder systématiquement le dollar canadien, ce qui a précipité et accéléré sa dévaluation qui semblait sans fin.

Le 21 janvier 2002, le dollar canadien a touché son bas-fond historique lorsqu'il a clôturé à 61,79 cents US. L'alarme était sonnée. Les autorités politiques et monétaires canadiennes, qui avaient temporisé la chute du dollar en soulignant les avantages que les entreprises exportatrices en tiraient, ont cédé à la panique.

Événement inusité et unique dans les annales politico-monétaires canadiennes, en février 2002, David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada, s'est joint au premier ministre Jean Chrétien pour s'adresser à la presse financière internationale au cours du Forum économique mondial qui se déroulait exceptionnellement à New York cette année-là.

Les deux hommes ont convoqué une conférence de presse et ils se sont lancés dans un vaste plaidoyer pour vanter les mérites, la diversité et la profondeur de l'économie canadienne.

Les deux hommes estimaient anormal et injuste le traitement que l'on réservait à la devise nationale canadienne dont ils voulaient redorer le blason et surtout enrayer l'effrayant mouvement de dévaluation.

J'étais présent à cette conférence de presse où l'on avait même souligné que le Canada abritait Nortel, le grand équipementier mondial des télécommunications de l'époque, et que le pays était lui aussi un acteur actif de la révolution numérique.

Ce n'est pas l'appel au secours lancé par MM. Dodge et Chrétien qui a permis à notre dollar de cesser de chuter. C'est le renversement de la conjoncture mondiale qui a fait le travail alors que l'économie canadienne a profité de la spectaculaire quête de modernité des économies émergentes, en particulier celle de la Chine.

L'avènement d'un super cycle haussier des prix des matières premières qui s'est amplifié jusqu'en 2008 - au moment de l'éclatement de la crise financière mondiale - a dopé les prix des matières premières et de l'énergie, valorisant ainsi tout le patrimoine pétrolier de l'Ouest canadien.

Le 11 juillet 2007, le dollar canadien clôturait à un sommet de tous les temps à 1,10$US au moment même où le prix du baril de pétrole franchissait la marque historique des 140$US.

L'histoire qui se répète

Depuis un an maintenant, on a l'impression de revivre la trame narrative des années 2000. L'économie canadienne est en récession technique, provoquée par l'effondrement des prix des matières premières qui ont atteint cette semaine leur niveau le plus bas des 13 dernières années.

Comme dans les années 2000, la Banque Royale trône toujours au sommet des plus importantes capitalisations boursières canadiennes. Elle avait été déclassée durant une brève période par Nortel, elle n'est aujourd'hui suivie de près que par la très américaine Valeant.

Comme c'était le cas il y a 15 ans, ce sont les titres de la «nouvelle» économie qui nourrissent les marchés et l'appétit des investisseurs.

Le NASDAQ, qui a été, et de loin, le dernier indice boursier occidental à retrouver le seuil record où l'exubérance des années 90 et du début 2000 l'avait propulsé, a franchi au cours des derniers jours trois records consécutifs.

Jeudi dernier, l'entreprise Netflix a médusé les analystes en révélant que le nombre de ses nouveaux abonnés avait excédé les attentes du marché. Le titre s'est apprécié de 18% dans la journée, ce qui a propulsé la valeur boursière de Netflix à 49 milliards US, surpassant ainsi la valorisation de fleurons industriels tels que GM ou Ford.

Vendredi, c'était au tour du titre de Google de stupéfier les investisseurs lorsque son action a enregistré en une journée seulement la plus forte appréciation boursière de l'histoire avec un gain de 65 milliards US.

Enfin lundi, PayPal, le service de paiement d'achats en ligne - une création du géant Amazon - a fait son entrée en Bourse au NASDAQ et son titre s'est apprécié de plus de 5% pour terminer la journée à une valeur totale de 52 milliards US.

Hier, le prix du pétrole brut américain a reculé de 3,28%, pour clôturer à 49,19$US, rien de bon pour notre dollar ni pour l'économie canadienne.