Bien des épargnants ont été séduits dans les années 80 par le concept publicitaire d'une société d'assurance-vie qui promettait à ses clients d'aspirer à une pleine autonomie financière et même à une retraite entière dès l'âge de 55 ans. Guy Laliberté vient de réactualiser le concept de Liberté 55, mais à une magnitude inégalée.

À 55 ans, le fondateur du Cirque du Soleil vient de conclure une transaction estimée, selon certaines évaluations, à 1,5 milliard US. Tout le monde convient que cela fait amplement d'argent pour nourrir la retraite active que Guy Laliberté souhaite dorénavant mener.

D'autant plus que le fondateur du Cirque du Soleil avait déjà monétisé, en 2008, une partie de la valeur du Cirque en vendant pour quelque 400 millions US 20% de ses actions à deux fonds immobiliers de Dubaï, qui ont fait faillite tout juste après la conclusion de la transaction. Guy Laliberté a racheté depuis la moitié de ces actions.

Outre son nouveau statut d'actionnaire minoritaire, Guy Laliberté compte toujours rester associé au Cirque du Soleil à titre de conseiller à la création et dépositaire de la mémoire de la jeune institution trentenaire.

Mais on comprend surtout qu'avec la quantité de projets personnels qu'il a en tête, l'ex-cracheur de feu déploiera dorénavant son talent sur plusieurs scènes à la fois et en même temps.

C'est pourtant un Guy Laliberté sur la défensive qui s'est présenté hier à la conférence de presse qui a confirmé la transaction avec TPG. Pendant de longues minutes, il a justifié les raisons qui l'ont poussé à vendre sa position majoritaire et celles qui l'ont conduit à privilégier l'offre de la société d'investissement américaine.

Même s'il avait tout à fait le droit de réaliser l'entente qu'il vient de conclure avec le fonds d'investissement américain TPG, le fonds chinois Fosun et la Caisse de dépôt, Guy Laliberté a voulu démontrer hors de tout doute qu'il a d'abord voulu privilégier les groupes québécois et même canadiens qui auraient manifesté leur intention d'acquérir ses actions.

Aussi noble soit-elle, cette intention était vaine puisque tout le monde sait qu'aucun groupe québécois n'avait l'expertise ni les reins financiers assez solides pour seulement espérer participer au processus d'enchères.

Guy Laliberté a beau se déclarer citoyen du monde, il ne voulait pas donner l'impression de sacrifier les origines et l'expertise actuelle du Cirque, qui sont fondamentalement québécoises et montréalaises, au profit de son seul enrichissement.

À cet égard, il a rappelé avec justesse que le nouveau groupe de propriétaires achète précisément le siège social montréalais parce que c'est d'ici que provient toute l'unicité de l'entreprise de spectacles.

Le siège social montréalais du Cirque du Soleil va vivre et prendre de l'expansion tant que le Cirque du Soleil entreprendra des projets novateurs et générateurs d'achalandage. C'est cela que TPG et ses partenaires ont acheté, et rien d'autre.

Le nouveau plan d'action

Cela dit, le plan d'action du Cirque du Soleil devra maintenant être soumis et accepté par le conseil d'administration que les nouveaux actionnaires vont mettre sur pied.

C'est la nouvelle réalité avec laquelle le PDG du Cirque, Daniel Lamarre, qui est en poste depuis bientôt 15 ans, devra composer. Un défi qui ne l'inquiète pas outre mesure.

«Dans les discussions qu'on a eues avec TPG, il était clair pour eux que la raison d'être du Cirque c'est d'abord et avant tout de créer des spectacles. Oui, ils achètent une marque de commerce incroyable, mais il n'est pas question pour eux de diluer cette marque dans des initiatives commerciales», m'a expliqué Daniel Lamarre, hier.

Le PDG souligne que les gestionnaires de TPG ont complètement adhéré au fait que le plein potentiel du Cirque n'avait pas été encore tout à fait exploité.

Les nouveaux propriétaires veulent que le Cirque du Soleil affiche une présence permanente avec des spectacles à New York, à Londres et surtout en Chine, un marché où le cirque est appelé, selon les experts de Fosun Capital Group - le nouveau partenaire chinois - à supplanter le cinéma, où la Chine est pourtant le deuxième marché en importance après les États-Unis.

Le Cirque va revoir son plan stratégique qui prévoyait la création de trois fonds voués à la création de spectacles, au développement immobilier et à la propriété intellectuelle. Daniel Lamarre est d'avis que ces initiatives vont être finalement réactualisées, mais que la priorité restera pour l'instant la création de nouveaux spectacles.