Le Plan Nord est encore loin d'avoir livré les promesses de fort développement qu'il projetait pour les 25 prochaines années. Mis à part l'inauguration de la mine de diamants Stornoway, le printemps dernier, l'activité minière au nord du 49e parallèle est loin d'afficher la frénésie annoncée il y a trois ans.

Plusieurs raisons expliquent la faible activité minière que l'on peut constater depuis le lancement officiel par Jean Charest du Plan Nord en mai 2011, au plus fort du mouvement de contestation étudiante contre la hausse des droits de scolarité.

Certains ont évoqué l'élection (très passagère) du Parti québécois et l'adoption d'un régime minier et de redevances qui allaient compromettre le développement de nos ressources. Ce qui ne s'est pas avéré.

Tout le monde s'entend toutefois que c'est l'élément fondamental du jeu de l'offre et de la demande qui a conditionné en grande partie la tiédeur de la ruée minière promise qui devait maintenir et même créer jusqu'à 20 000 nouveaux emplois par an.

Les grands pays consommateurs de ressources naturelles, notamment l'Inde et la Chine, qui cherchaient à bâtir rapidement leurs infrastructures ont réduit leur appétit en ressources naturelles et revu leurs priorités de développement.

Cette demande réduite s'est répercutée sur les prix, provoquant un choc bien réel sur certains produits. La tonne de fer, qui s'échangeait au-dessus des 180$US en août 2010, est tombée sous les 90$US en août dernier.

Depuis le lancement du Plan Nord, la firme Cliffs Natural Resources a fermé son usine de bouletage de Sept-Îles, elle a suspendu son projet d'expansion de son gisement de Lac Bloom, près de Fermont, et elle a cessé l'exploitation de sa mine Scully, au Labrador. On ne parle pas ici d'eldorado...

Malgré ces contretemps conjoncturels, le premier ministre Philippe Couillard croit toujours au Plan Nord et il compte bien poursuivre inlassablement la promotion de ce projet lancé par son prédécesseur libéral.

Il le fera notamment le mois prochain en Chine en présidant sa première mission commerciale, où il tentera de ressusciter l'intérêt et de réveiller l'appétit de cet important client stratégique pour les ressources naturelles québécoises.

Et Philippe Couillard l'a aussi fait hier à Saguenay en annonçant une modeste participation de 2 millions d'Investissement Québec au capital-actions de l'entreprise Arianne Phosphate qui caresse l'ambitieux projet d'exploiter le prochain plus gros gisement de phosphate du monde, à Lac à Paul, à 200 kilomètres au nord de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Des partenaires opérationnels

Le phosphate est un engrais qui sert à enrichir les fruits et les légumes en phosphore. Arianne Ressources a complété en octobre dernier une étude de faisabilité qui confirme que le gisement de Lac à Paul est riche en phosphate de haute qualité.

Les réserves identifiées permettent d'envisager une exploitation industrielle pour au moins 25 ans, à raison d'une production annuelle moyenne de 3 millions de tonnes de phosphate.

Le groupe québécois Arianne Phosphate a identifié une douzaine de partenaires potentiels - sur la trentaine de gros producteurs industriels de fertilisants dans le monde - qui pourraient être intéressés à devenir des partenaires financiers et opérationnels du projet.

«On a produit notre étude stratégique, on a l'appui financier et stratégique du gouvernement québécois, là on va discuter avec des producteurs qui veulent sécuriser leur approvisionnement avec une matière première de haute qualité», m'explique Jean-Sébastien David, chef de l'exploitation d'Arianne Phosphate.

Ces partenaires opérationnels et financiers vont permettre de financer la moitié du coût de démarrage du projet de 1,2 milliard. Il s'agit de la construction d'une usine, de la réfection de la route de 200 kilomètres et de la construction d'une ligne électrique et d'un quai sur la rivière Saguenay.

Selon ses promoteurs, les premiers travaux du projet Lac à Paul pourraient démarrer dès le début de l'été prochain. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement doit réaliser son étude d'impact durant l'automne, et les discussions avec les producteurs de fertilisants désireux de participer à l'exploitation de cet important gisement devraient être terminées avant la fin de l'hiver.

Mine de rien, si le projet de mine de phosphate devient réalité, le Plan Nord s'incarnera de façon beaucoup plus probante qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant. Ça prenait juste un peu de fertilisant.