Des municipalités de certaines régions éloignées du Québec ne veulent pas que leur situation géographique excentrique les pénalise davantage en les isolant encore plus du reste de la province. C'est pourtant ce que projette de réaliser le transporteur interurbain Orléans Express, qui veut mettre fin à son service d'autocars dans certaines villes.

La nouvelle n'a pas reçu un grand écho à Montréal, où les citadins de la grande ville sont généralement plutôt insensibles aux drames et aux difficultés qui affligent les populations des régions éloignées.

Au début du mois de mai, Orléans Express a avisé la Commission des transports du Québec (CTQ) qu'elle voulait notamment mettre fin à sa desserte des villes de La Tuque, Grand-Mère, Thedford Mines et Percé, et qu'elle comptait réduire son service sur plusieurs autres liaisons.

Ainsi, la ville de Gaspé, qui accueille l'équivalent de deux trajets et demi par jour en provenance du nord et deux trajets et demi à partir du sud, ne serait plus reliée que par un seul trajet quotidien par le nord.

Le desserte du sud de la péninsule gaspésienne s'arrêtera à Grande-Rivière et ne transitera donc plus par Percé, selon le plan de redressement qu'a présenté la société de transport.

Les maires de Percé et de La Tuque ont déjà transmis une plainte à la CTQ parce que la fin du service d'autocars affectera leur population, particulièrement les personnes âgées et les jeunes. Ils souhaitent que la CTQ empêche Orléans Express d'aller de l'avant avec son projet de réduction de service.

Le transport interurbain par autocar est réglementé au Québec au même titre que le transport aérien et c'est la Commission des transports du Québec qui décide quelles villes doivent être desservies par les sociétés de transport.

Depuis 1990, la CTQ a toujours forcé Orléans Express - et antérieurement Voyageur - à réaliser de l'interfinancement, c'est-à-dire à financer la desserte de liaisons déficitaires à même les revenus excédentaires qu'elle tirait de sa principale liaison, soit le corridor hyper achalandé Montréal-Québec.

Bien que le transport interurbain par autocar soit un moyen de transport en commun, les entreprises n'obtiennent aucune forme de financement public, comme le train (Via Rail obtient chaque année une subvention de fonctionnement de 300 millions de dollars), les systèmes d'autobus métropolitains ou les trains de banlieue peuvent en recevoir.

Des pertes lourdes à transporter

Le problème d'Orléans Express, c'est que même sa ligne «payante» Montréal-Québec ne rapporte plus comme avant. Depuis 2008, la société de transport subit une constante érosion de sa clientèle et cumule maintenant des déficits d'exploitation qu'elle ne peut plus supporter.

«On encaisse, en moyenne, des pertes de 500 000$ par mois. Plus de 5 millions l'an dernier. Si le gouvernement veut par souci d'équité pour les municipalités éloignées nous forcer à maintenir des liaisons, il faudra qu'il en finance les coûts», m'explique Marc-André Varin, vice-président, développement des affaires, de Keolis Canada, la société qui gère Orléans Express.

«Nous, on a fait du démarchage auprès de petites sociétés de transport régionales qui sont prêtes à prendre les trajets pour nous amener les passagers, un peu comme le transporteur aérien régional Jazz le fait avec Air Canada», renchérit le gestionnaire.

Il est maintenant convenu que cette problématique fera l'objet d'une commission parlementaire où seront entendues toutes les parties qui seront touchées par la réorganisation que propose Orléans Express.

Parmi les raisons qui expliquent la baisse de clientèle d'Orléans Express dans son tronçon principal Montréal-Québec, Marc-André Varin identifie la popularité grandissante du covoiturage organisé qui, à lui seul, prive l'entreprise de 190 000 passagers par année.

Via Rail, généreusement subventionnée par le gouvernement fédéral, offre aussi des tarifs réduits sur sa liaison Montréal-Québec qui sont meilleur marché que le trajet en autocar.

Keolis Canada est une filiale de la société française Keolis SA, plus important opérateur de bus, de métros et de tramways d'Europe avec une présence dans 15 pays et des revenus annuels de plus de 5 milliards d'euros.

Keolis SA est détenue à 70% par la Société nationale des chemins de fer français et à 30% par la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui est actionnaire depuis 2007. Keolis Canada a fait l'acquisition d'Orléans Express en 2002 et en est devenue l'unique actionnaire en 2012.