Tout le monde le sait. Les projets de rénovation sont toujours plus longs à réaliser que ce que prévoyait l'échéancier de départ et ils coûtent généralement beaucoup cher plus que ce qui était prévu dans le budget initial.

Une réalité et un constat qui rattrapent la haute direction de Rona qui s'est engagée dans un processus beaucoup plus long que prévu de restructuration du plus important groupe de quincailleries au Canada.

Depuis 2006, les ventes de quincailleries comparables déclinent chez Rona. Mis à part durant l'exercice financier 2010, lorsque les contribuables canadiens ont bénéficié de généreux crédits d'impôt provinciaux et fédéraux à la rénovation, le chiffre d'affaires des magasins Rona recule année après année.

Et ce n'est pas la nomination d'un nouveau président du conseil, en janvier 2013, et du nouveau PDG, Robert Saywer, il y a un an maintenant, qui a changé quoi que ce soit à cette éprouvante réalité.

Pour l'exercice 2013, les ventes des magasins Rona ont régressé de 1,9%, et le mouvement s'est amplifié au premier trimestre de 2014 - particulièrement cinglant au chapitre de la température - en cumulant un repli de 4% par rapport à l'an dernier.

Au cours de l'assemblée annuelle des actionnaires de Rona, qui se tenait hier à Boucherville, le nouveau président et chef de la direction, Robert Sawyer, a dit souhaiter que son groupe de quincailleries réussisse à renverser la séquence négative en 2015.

Un peu plus tard, en conférence de presse, le président du conseil, Robert Chevrier, n'a pas caché son impatience en ramenant à 2014 l'échéancier selon lequel les magasins Rona devraient réafficher des ventes comparables en hausse.

C'est que malgré toute la bonne volonté du monde, il n'est pas facile de relancer un marché qui reste extrêmement sensible aux conditions climatiques, aux liquidités disponibles pour les dépenses discrétionnaires de ses clients, à la consolidation du marché, au nombre de nouvelles mises en chantier, au vieillissement de la population...

Bref, comme Robert Sawyer l'a expliqué hier, Rona a dû entreprendre des rénovations beaucoup en profondeur que ce qui était prévu initialement. Il fallait d'abord s'attaquer aux fondations avant de penser à ravaler la façade.

La paix commerciale

Le nouveau conseil d'administration, mis en place en janvier 2013, souhaitait des résultats financiers rapides pour contenter les deux principaux actionnaires du groupe, la Caisse de dépôt et placement et Invesco.

Il semble que le conseil comprenne maintenant que la profitabilité du groupe ne reviendra pas de façon instantanée et que les changements qui ont été faits vont commencer à rapporter de façon progressive.

«Nos actionnaires ont compris le plan qu'on leur a proposé. Ils sont heureux et s'attendent à un redressement», a exposé en conférence de presse Robert Sawyer.

Le groupe Invesco, celui qui souhaitait la vente de Rona au groupe américain Lowe's, a même augmenté sa position dans l'actionnariat du groupe québécois.

Plus important encore, Rona a réussi à faire la paix avec ses marchands qui s'étaient montrés extrêmement récalcitrants face à certains changements que voulait apporter la nouvelle haute direction du groupe dans sa course au retour à la rentabilité.

«On était inquiets du virage financier et de la vocation du groupe. Nos membres voulaient être consultés. Si les marchands vont bien, Rona va bien aller, c'est ce qu'on leur a dit», m'a expliqué hier André Lespérance, un des responsables de l'Association des marchands Rona au Canada, avec plus de 230 membres au Québec.

«Il est normal que les marchands pensent à protéger leur peau avant de protéger la chemise des actionnaires», image André Lespérance. Il faut aussi rappeler que Rona était au départ un regroupement d'achats.

Plutôt que de cultiver le ressentiment, les marchands cherchent les solutions de compromis et tentent de calmer les insatisfaits et les dissidents.

Robert Sawyer confesse qu'il a cherché à rétablir les ponts et qu'il a engagé le dialogue. Manifestement, il comprend mieux la «business» Rona qu'il y a un an.

Signe des temps, il y a deux ans, le PDG Robert Dutton ne voulait pas que l'on compare Rona à Canadian Tire, qui vend des produits pour l'auto, des jouets, des articles de sport, mais aucun matériau de construction. Aujourd'hui, Robert Sawyer ne veut pas être comparé aux géants américains Home Depot ou Lowe's, qui exploitent seulement des magasins à grande surface et qui vendent des articles électroménagers.

C'est ce qu'on appelle défendre la société distincte Rona.