Que ceux qui craignent que la Caisse de dépôt et placement ait mis à risque 275 millions de dollars de l'épargne des Québécois pour sauver la société aurifère Osisko d'une prise de contrôle hostile se rassurent. La Caisse vient plutôt de réaliser une excellente transaction que l'on peut même qualifier d'exceptionnelle.

Cette appréciation extrêmement favorable du contrat d'approvisionnement en or que viennent de conclure la Caisse et Osisko n'émane pas de moi mais de Pierre Lassonde, président du conseil de la société Franco-Nevada et grand spécialiste mondial de l'or.

Pour faire échec à l'offre publique d'achat (OPA) hostile qu'a lancée en janvier dernier la société Goldcorp, le groupe minier québécois a présenté mercredi une transaction alternative conclue avec la société torontoise Yamana Gold.

En vertu de cette entente - qui doit être approuvée à l'assemblée extraordinaire des actionnaires d'Osisko, le mois prochain à Malartic -, Yamana Gold va acquérir la moitié des actifs d'Osisko pour 1,37 milliard de dollars.

Les actionnaires d'Osisko vont recevoir 7,60$ pour chacune de leurs actions, soit 2,19$ en argent comptant, 2,06$ à titre de participation dans Yamana et enfin 3,35$ sous la forme d'une action de la nouvelle Osisko.

La Caisse de dépôt, qui était déjà actionnaire d'Osisko, s'est engagée à financer une partie du paiement en numéraire de cette transaction en versant 275 millions à Osisko pour l'achat d'un contrat de fourniture d'or garanti.

Chaque année - jusqu'à l'épuisement des réserves de la mine Canadian Malartic d'Osisko -, la Caisse recevra 37 500 onces d'or à 42% du prix officiel du métal précieux. Dans le jargon minier, on parle d'un contrat «streaming».

Mais pour Pierre Lassonde, dont la société Franco-Nevada tire près de 70% de ses revenus annuels de redevances minières et 30% de contrats d'approvisionnement de type «streaming», la Caisse vient plutôt de réaliser un prêt garanti.

«Dans un contrat streaming, l'acheteur participe avec le producteur au risque de la mine. Dans le contrat intervenu entre la Caisse et Osisko, la Caisse est assurée de recevoir ses 37 500 onces d'or à seulement 42% du cours officiel.

«Nous, on vient d'investir 1 milliard dans la mine de cuivre Cabre Panama et on va recevoir 70% de l'or qui y sera produit. Mais le projet a deux ans de retard, et on ne reçoit aucune contrepartie. La Caisse est assurée de toucher, année après année, ses 37 500 onces, quoi qu'il advienne», souligne le spécialiste aurifère.

Le Québec, un paradis

Selon Pierre Lassonde, la Caisse n'a pas joué au spéculateur en avançant ses 275 millions pour acheter ces fameux contrats de fourniture d'or à Osisko. D'autant plus que, selon lui, le prix du métal précieux est appelé à se redresser au cours des prochaines années.

«Je peux me tromper, mais le cours de l'or, qui a déjà atteint 1900$US l'once, va remonter, et l'investissement de la Caisse va profiter de cette plus-value», estime-t-il.

Bryan Coates, chef de la direction financière d'Osisko, admettait jeudi que la société minière québécoise a dû faire preuve de créativité et d'ouverture pour arriver avec une offre pouvant faire échec à l'OPA hostile de Goldcorp.

«Ça fait 80 jours que Goldcorp et certains analystes affirment qu'Osisko sera incapable d'arriver avec une offre alternative. On a travaillé fort et même si l'entente est favorable à la Caisse de dépôt, on vit très bien financièrement avec», expose le vétéran du monde aurifère.

Rappelons que les réserves du gisement de Malartic sont estimées à 10 millions d'onces d'or. Osisko s'est engagée à livrer 6% de ses réserves à la Caisse de dépôt, soit 600 000 onces, sur une période d'un peu plus de 15 ans.

Ce contrat de fourniture d'or pourra être racheté, à certaines périodes prédéterminées, par Osisko, à la condition que la société minière assure un rendement de 8% sur l'investissement de 275 millions de la Caisse.

Ceux qui dépeignaient le Québec comme une terre hostile pour les investissements miniers seront par ailleurs heureux d'apprendre que le Québec est plutôt considéré comme le paradis sur terre de l'investissement minier.

«Yamana Gold n'avait des gisements aurifères que dans des pays d'Amérique latine. D'acquérir ainsi 50% des droits dans un endroit aussi stable et prévisible que le Québec, ça vaut amplement leur investissement», souligne le spécialiste Pierre Lassonde.