En acceptant d'allonger 5,2 milliards de dollars pour obtenir l'exclusivité canadienne des droits de diffusion des matchs de la Ligue nationale de hockey (LNH) pour une période de 12 ans, Rogers Communications a créé une certaine commotion au sein de l'industrie de la télévision et des communications.

La réaction générale que j'entends depuis deux jours auprès de la plupart des gens qui connaissent le monde de la télé et du spectacle est que Rogers a payé beaucoup trop cher pour accaparer l'exclusivité de la retransmission multiplateforme des matchs de hockey professionnel au Canada.

Ce qui est vrai dans l'immédiat puisque, dès l'an prochain, Rogers devra payer plus de 300 millions à la LNH pour diffuser les images de ses matchs tout en assumant les coûts de production des émissions dans plusieurs marchés.

Rogers devra s'attaquer à élargir rapidement et de façon importante son assiette publicitaire, mais l'entreprise de communications et de médias est convaincue qu'elle réussira à moyen terme à rentabiliser son investissement grâce aux sources multiples de revenus qu'elle tirera de la diffusion des matchs sur ses plateformes télé, web et mobile.

Rogers était tellement convaincue de la justesse de son plan de match quant à l'obtention de l'exclusivité canadienne des droits de télédiffusion qu'elle a même songé à un certain moment à lancer son propre réseau des sports francophone.

Selon le Financial Post, ce n'est que durant la dernière semaine des négociations avec la LNH que Rogers a décidé de s'allier à TVA et de lui sous-traiter les droits francophones de diffusion des matchs du Canadien.

En agissant de la sorte, Rogers a évité les frais toujours importants de démarrage d'une station télé et elle s'est adjoint un partenaire financier qui va prendre à sa charge une partie de la facture annuelle que la LNH lui fera parvenir et qui sera chaque année indexée pour totaliser 500 millions en 2025-2026.

Des enjeux sportifs

On ne connaît pas les détails de l'entente qui lie Québecor à Rogers, mais il est certain que TVA Sports va payer le double de ce que payait RDS, comme Rogers a accepté de payer le double de ce que pouvaient payer TSN et la CBC.

La direction du réseau de télévision québécois est prête à absorber ces coûts importants pour s'associer au Canadien car c'est le prix à payer pour sortir son nouveau réseau des sports de la marginalité et lui assurer une notoriété qui va se traduire en centaines de milliers d'abonnés additionnels et en revenus publicitaires conséquents.

Rogers et Québecor sont concurrentes dans la téléphonie mobile, et chacune est le leader de la câblodistribution dans son marché respectif de l'Ontario et du Québec.

Il faut toutefois rappeler que ce n'est pas la première fois que les deux entreprises sont associées autour d'enjeux sportifs d'envergure.

En 2000, Rogers a lancé une offre publique d'achat amicale sur Vidéotron. Le groupe torontois proposait de payer 34,41$ pour chacune des actions de Vidéotron en échange de ses propres actions.

La famille Chagnon, actionnaire de contrôle de Vidéotron, avait accepté cette offre et s'était engagée à payer un montant de 241 millions à Rogers si jamais Vidéotron avalisait une offre concurrente.

On connaît la suite. La Caisse de dépôt et Québecor ont décidé de former une coentreprise, Quebecor Média, pour lancer une contre-proposition sur Vidéotron à 45$ par action, payable en argent.

La transaction de 4,9 milliards a finalement été conclue en octobre 2000, mais Québecor a dû rembourser à Rogers la fameuse prime de 241 millions.

Ted Rogers, PDG de l'entreprise torontoise, n'a pas mis de temps à disposer de ce gain extraordinaire. En fait, il l'a dépensé en partie avant même de l'avoir encaissé puisqu'en septembre 2000, il a fait l'acquisition, au prix de 120 millions, de 80% des Blue Jays de Toronto.

Ted Rogers a racheté par la suite la portion de 20% du club torontois qui appartenait toujours au groupe européen Interbrew. Au total, il a donc payé 160 millions pour la concession de baseball avec l'argent de la pénalité financière que lui avait payée Québecor.

Treize ans plus tard, les Blue Jays sont maintenant évalués, selon le magazine Forbes, à 568 millions et ils se classent au 21e rang des 30 équipes du baseball majeur. Ils alimentent le réseau de télévision Sportsnet de Rogers qui sera, à partir de l'an prochain, le diffuseur officiel des matchs de la LNH.