Un an après l'annonce de la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2, la région de Bécancour semble bénéficier d'un beau rebond de conjoncture avec l'annonce de nouvelles implantations industrielles prometteuses. Si elles arrivent à terme, évidemment.

Hormis la menace improbable de fermeture de l'aluminerie exploitée par Alcoa, Bécancour serait en voie de récupérer une partie des 800 emplois qui auront été supprimés avec la mise à mort de la centrale Gentilly-2, décrétée par le gouvernement péquiste fraîchement élu en septembre 2012.

Il y a un an, c'était la catastrophe à Bécancour. L'impact économique régional de la fin des activités à Gentilly-2 était comparable à la perte de près de 60 000 emplois à Montréal.

Un mois après cette nouvelle coup-de-poing, le groupe Indian Farmers Fertilisers Cooperative (IFFCO), de concert avec La Coop fédérée, annonçait la construction d'une usine de fabrication d'engrais azoté dans le parc industriel de Bécancour.

Un investissement de 1,2 milliard qui devait prendre forme dès cette année et créer à terme 200 emplois spécialisés. Bien que le projet soit très sérieux, il fait déjà l'objet de certaines remises en question.

Les travaux de construction de l'usine, qui devaient débuter d'ici la fin de l'année, ont été reportés en raison d'une analyse plus longue que prévu du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Le BAPE devrait livrer son décret en février prochain, mais les promoteurs du projet tentent de réduire les coûts de construction, qui pourraient atteindre maintenant le 1,6 milliard. Le partenaire indien qui est l'investisseur majoritaire doit aussi composer avec une roupie qui a été dévaluée de 30% au cours des six derniers mois.

Enfin, l'urée qui sera produite à Bécancour est fabriquée à partir de gaz naturel, et les promoteurs tentent de sécuriser les approvisionnements qui sont devenus incertains depuis qu'Enbridge a décidé de transformer son gazoduc en oléoduc... Voilà autant de sable dans un engrenage qui semblait pourtant bien huilé.

Terres rares et terre promise

Bécancour a de nouveau fait les manchettes économiques hier puisque son parc industriel a été choisi comme lieu d'implantation d'une usine hydrométallurgique de traitement des terres rares qui devrait entrer en production en 2017.

C'est la société minière Minéraux rares Quest qui a fait l'annonce de ce nouvel investissement important de 1,3 milliard. Les travaux de construction de l'usine seront mis en branle en 2016 et mobiliseront 500 travailleurs.

Quest prévoit embaucher par la suite 300 travailleurs spécialisés à l'usine qui transformera à partir de 2017 les terres rares - utilisées dans la fabrication d'appareils et de composantes électroniques de pointe - qu'elle prélèvera à son gisement de Lac Strange, dans le Nord-Est québécois, tout juste en bordure du Labrador.

Cet investissement majeur a été annoncé hier comme s'il s'agissait d'un fait acquis qui confirmait Bécancour comme le premier site nord-américain de transformation de terres rares en Amérique du Nord.

On peut y croire, on souhaite surtout bien sûr qu'il se réalise, mais dans la réalité, il s'agit d'un investissement qui en est encore au stade de projet puisque son promoteur, Minéraux rares Quest, a énormément de travail à faire pour qu'il se réalise.

Quest vient de terminer l'étude de préfaisabilité qui a confirmé que son gisement de Lac Strange est suffisamment riche en terres rares pour qu'il soit économiquement rentable de l'exploiter.

L'entreprise entame maintenant une étude de faisabilité qui doit être complétée d'ici 2015 et qui confirmera si les prévisions de coûts du projet tiennent toujours la route.

Parce que Quest devra construire une mine pour extraire le minerai, une route pour accéder à la mine et une autre pour acheminer le minerai extrait vers un port qui reste à creuser.

En additionnant les coûts de construction de l'usine de Bécancour, l'entreprise devra lever pas moins de 2,6 milliards d'ici 2017. C'est beaucoup d'argent que son président, Peter Cashin, a bon espoir de récolter auprès d'investisseurs privés, des gouvernements et surtout de clients qui chercheront à sécuriser leurs approvisionnements en terres rares.

«On a déjà une entreprise américaine consommatrice de sulfate de zirconium qui a embarqué dans le projet», m'a assuré hier M. Cashin.

Il lui faudra en trouver d'autres, et des gros, pour que le projet se finance correctement. Il faudra surtout que l'étude de faisabilité soit extrêmement probante pour que ce projet passe au stade de la réalité.