Il reste moins de deux mois avant que ne soit officiellement adopté le projet de loi qui va abolir de façon progressive mais définitive d'ici 2017 le crédit d'impôt fédéral de 15 % pour les fonds de travailleurs. Deux mois d'intense lobbying en perspective pour les dirigeants du Fonds de solidarité FTQ et de Fondaction CSN.

Yvon Bolduc, président du Fonds de solidarité, et Léopold Beaulieu, PDG de Fondaction, ont présenté publiquement mercredi la dernière proposition qu'ils ont formulée au ministre des Finances, Jim Flaherty, en vue d'arriver à un compromis pour éviter l'abolition définitive du crédit d'impôt fédéral, un outil de marketing capital pour la vente de leurs produits financiers.

Le ministre Flaherty a, on le sait, annoncé en mars qu'il comptait réduire progressivement, à partir de 2015, le crédit d'impôt fédéral de 15 % qu'il accorde aux contribuables qui font l'acquisition de parts de fonds de travailleurs, pour arriver à son élimination totale en 2017.

M. Flaherty prévoit ainsi mettre la main sur des revenus fiscaux de 355 millions de dollars qui lui auraient échappé autrement. Il a par ailleurs mis sur pied son Plan d'action pour le capital de risque, dans lequel il prévoit injecter 400 millions dans différents fonds de capital de risque canadiens au cours des 10 prochaines années.

Le Fonds FTQ et Fondaction CSN ont justement proposé aux fonctionnaires du ministère fédéral des Finances de financer eux-mêmes l'injection de ces 400 millions dans le capital canadien à partir de leurs fonds respectifs.

Les deux fonds de travailleurs ont aussi proposé de réserver une enveloppe de 550 millions qui auraient été investis spécifiquement au cours des 10 prochaines années dans des fonds privés québécois qui ont la possibilité d'investir partout au Canada.

Ils proposaient donc de répondre aux carences en matière de capital de risque canadien que le plan d'action fédéral avait identifiées.

Cette solution de compromis, qui avait préalablement reçu l'aval du ministère québécois des Finances et qui semble, à première vue, tout à fait honorable, est restée lettre morte à Ottawa. Mis à part un accusé de réception, elle n'a fait l'objet d'aucun commentaire, ni d'aucune relance.

Les dirigeants des deux fonds québécois n'ont pas l'intention de baisser les bras pour autant. Ils comptent profiter du temps de lecture du projet de loi en Chambre ainsi que de sa période de transit au Sénat pour relancer les discussions et poursuivre leur campagne de mobilisation.

Déjà, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a réagi publiquement mercredi en demandant au gouvernement fédéral de faire preuve de plus de cohérence dans la mise en place de sa politique économique.

Hier, ç'a été au tour du regroupement Manufacturiers et exportateurs du Québec d'implorer le gouvernement de revoir sa décision d'abolir le crédit d'impôt. Une décision mal justifiée, selon l'organisme patronal.

Mais devant l'inflexibilité persistante du gouvernement conservateur, les fonds de travailleurs n'ont d'autre choix que de commencer à planifier la difficile transition qu'ils auront à vivre, une fois que le crédit d'impôt fédéral aura été aboli.

Les actionnaires actuels des fonds de travailleurs n'ont pas à craindre une chute prochaine de la valeur de leurs actions. Celle-ci est liée à la valeur des actifs que les fonds détiennent, soit 9,3 milliards pour le fonds de la FTQ et 1 milliard pour celui de la CSN.

Les deux institutions ont largement la capacité de répondre aux retraits de tous leurs cotisants, et ce, jusqu'à ce que le dernier parte à la retraite.

Le vrai problème surviendra à partir de 2017 lorsque le crédit fédéral aura disparu et que l'investissement dans ces fonds deviendra nettement moins attrayant pour le contribuable-investisseur. L'apport de nouveaux capitaux risque de devenir fort problématique.

Les rendements des fonds de travailleurs - qui investissement majoritairement dans des entreprises en développement - ne sont pas ce qui en fait l'attrait, loin de là.

Sur une période de 10 ans, le Fonds de solidarité FTQ cumule un rendement de 3,3 %. Si on tient compte des crédits d'impôt qu'il procure, le rendement pour la même période grimpe à 10,3 %.

Si on réduit de moitié son rendement fiscal, le fonds de la FTQ perd 50 % de son attrait et risque de perdre autant de cotisants potentiels.

Les deux fonds de travailleurs ont commandé une étude à la firme KPMG-Secor pour évaluer l'impact de l'abolition du crédit fédéral. Cette étude sera rendue publique la semaine prochaine et nourrira certainement l'argumentaire de leurs PDG-lobbyistes pour les prochaines semaines.