L'entreprise de torréfaction de café Van Houtte célèbrera bientôt ses 100 ans d'existence à Montréal. Pour son président, Sylvain Toutant, il s'agit là d'une belle occasion de démontrer que son groupe est toujours bien réveillé et déterminé à le rester pour longtemps.

Van Houtte a annoncé en juin dernier un investissement de 55 millions de dollars pour moderniser et augmenter encore les capacités de production à son usine du quartier Saint-Michel.

Même si l'entreprise a été acquise en 2011 par le groupe américain Green Mountain Coffee Roasters (GMCR), basée à Burlington, au Vermont, elle poursuit ses activités de façon autonome en assurant l'approvisionnement et la croissance du marché canadien et en exportant 40% de sa production vers le marché américain.

La croissance internationale du groupe GMCR est d'ailleurs orchestrée à partir du siège social montréalais, situé tout juste à côté de l'usine de Saint-Michel.

Sylvain Toutant s'est joint en 2008 à Van Houtte à titre de président des ventes au détail et il a été promu président de GMCR Canada l'an dernier.

«Dès mon arrivée chez Van Houtte, j'ai vu tout le potentiel de nos produits et de nos installations. C'est une véritable mine d'or qu'on a, et il faut la développer à son plein potentiel», observe le spécialiste du commerce de détail.

Ce qui fut fait prestement. Depuis 2008, la capacité de production de l'usine de Saint-Michel a été multipliée par 8,5 fois. Les nouveaux investissements en cours visent à installer trois nouveaux torréfacteurs et vont permettre de hausser le nombre de tonnes de café transformé par année de 70%.

L'usine, qui fonctionnait avec 100 travailleurs en 2008, en compte 400 aujourd'hui, et 180 nouveaux postes vont être créés d'ici trois ans, au terme du processus de modernisation. Van Houtte compte présentement 820 employés dans son usine du nord de Montréal.

«Le monde du café vit, depuis une dizaine d'années, une véritable révolution avec l'adoption massive par les consommateurs des systèmes d'infusion, une tasse à la fois.

«GMCR et Van Houtte ont pris les devants de ce nouveau marché parce qu'on partageait la technologie Keurig et les dosettes K-Cup», précise Sylvain Toutant.

Van Houtte, qui est déjà la marque de café filtre la plus vendue au Canada, accapare aussi plus de 50% du marché des dosettes, un marché qui explose.

«Au Canada, la vente des dosettes représente 23% de tout le café vendu en magasins, et ça augmente. On fabrique et on distribue aussi pour des tiers, tels que Starbucks et Folgers.

«On fait aussi les dosettes K-Cup pour les marques maison de Costco, Metro et Sobeys. On fait aussi des soupes ou du thé en dosettes pour Lipton et Snapples», poursuit le président.

GMCR fabrique également des dosettes à son usine montréalaise. La modernisation des chaînes de fabrication va permettre de doubler leur production à 2 milliards d'unités par année. À 50-60 cents la dosette en épicerie, ça commence à devenir des doses payantes...

Une aide capitale

Sylvain Toutant tient à souligner la contribution financière du gouvernement québécois qui a été essentielle à la réalisation de ce projet d'expansion.

En accordant une subvention non remboursable de 5 millions, Québec a donné l'argument de vente final dont avait besoin le PDG québécois pour faire accepter son projet à la haute direction de GMCR au Vermont.

«On est bons et on va devenir l'usine la plus productive et la plus performante du groupe, mais GMCR a six autres usines en Amérique du Nord, dont la plus importante est située au Tennessee. Ils avaient le choix de réaliser cette expansion dans des États réputés pour leur extrême générosité", observe-t-il.

Sylvain Toutant a d'ailleurs senti une certaine réticence lorsqu'il a fait les premières démarches pour présenter son projet aux gens d'Investissement Québec. «Ils étaient sur leurs gardes. Ils m'ont dit: «Vous n'allez pas nous faire le coup d'Electrolux et quitter le Québec dans quatre ou cinq ans...» ", relate-t-il.

C'est justement en raison des conditions d'implantation extrêmement avantageuses que le Tennessee lui offrait qu'Electrolux a décidé d'y déménager la production industrielle de son usine de L'Assomption.

Sylvain Toutant explique qu'il a rapidement convaincu les gens du gouvernement du sérieux de sa démarche et de l'ambition de GMCR de transformer son usine de Saint-Michel en usine-phare du groupe.

Le dévoilement cette semaine de la politique économique du gouvernement québécois a suscité un barrage de critiques de la part des partis de l'opposition, qui déplorent l'interventionnisme à outrance que perpétue le Parti québécois.

Sylvain Toutant, qui ne s'est jamais affiché comme péquiste, constate simplement, pour sa part, que cette politique est absolument nécessaire. Sans elle, l'expansion de l'usine de Saint-Michel prenait le chemin de Knoxville, au Tennessee.