Il n'y a pas eu de prime sulfureuse ni de réaction de marché qui laisse présager une surenchère, mais au moins BlackBerry a enfin reçu une proposition d'achat qui pourrait permettre à ses actionnaires d'obtenir 9$US pour chacune de leurs parts. Pour le fabricant de téléphones intelligents, il s'agit enfin d'une bonne nouvelle. La première, en fait, depuis au moins trois ans.

Depuis que la direction de BlackBerry a annoncé, il y a un peu plus d'un mois, qu'elle était maintenant disposée à étudier sérieusement les propositions d'un acquéreur qui pourrait la privatiser et relancer ses activités dans la relative quiétude de l'anonymat, le marché attendait et espérait surtout que quelqu'un se manifeste.

Cette éventualité s'est rapidement transformée en quasi-certitude lorsque Prem Watsa, PDG de Fairfax Financial Holdings et principal actionnaire de BlackBerry, a annoncé au même moment qu'il quittait le conseil d'administration du fabricant de téléphones pour ne pas se retrouver en conflit d'intérêts.

Un mois plus tard, Prem Watsa a donc confirmé ses intentions en annonçant que son groupe financier, épaulé par Merrill Lynch et BMO Marchés des capitaux, prévoyait lancer une offre publique d'acquisition sur les 90% d'actions que Fairfax ne détient pas en proposant de payer 9$US par action.

Un prix qui ne comporte en soi aucune véritable prime par rapport au cours moyen des dernières semaines de l'action de BlackBerry, mais qui a au moins le mérite de mettre fin à la glissade que subissait le titre depuis l'annonce, vendredi, d'une nouvelle catastrophe.

Les résultats du prochain trimestre vont révéler une perte inattendue d'au moins 1 milliard et forcer le licenciement de 4500 employés, soit 40% de la force de travail du manufacturier de téléphones intelligents.

Le volet catastrophique de cette révision de résultats tient surtout au fait que BlackBerry devra radier pour plus de 950 millions de valeur de stocks de ses nouveaux téléphones Z10 qui n'ont pas trouvé preneur.

Au premier trimestre de 2013, l'entreprise annonçait fièrement qu'elle avait vendu 1 million de ses tout nouveaux Z10 et qu'elle en avait livré plus de 6 millions à ses fournisseurs. La majorité de ces appareils sont manifestement restés dans leur boîte.

Pendant ce temps, Apple nous a annoncé hier matin qu'elle a vendu 9 millions de ses nouveaux iPhone 5 en 3 jours, récoltant ainsi un montant supérieur à la valeur totale que s'apprête à payer Fairfax pour toute l'entreprise BlackBerry.

Il y a cinq ans, BlackBerry détenait, avec 13% des parts de marché mondiales, la deuxième place des fabricants de téléphones intelligents, derrière Nokia (45%) mais devant Apple et ses 5%. L'action de BlackBerry touchait alors un sommet à 137$.

Incapable de capitaliser sur ses forces, incapable surtout d'assurer à ses usagers une convivialité minimale sur le web, BlackBerry s'est rapidement fait déclasser pour occuper aujourd'hui le 4e rang des fabricants de téléphones intelligents avec une part de marché tombée à 2,9%, alors que son action a reculé de 94%.

La proposition de Fairfax Financial Holdings de racheter pour 4,7 milliards US toutes les actions de BlackBerry qu'elle ne possède pas déjà va permettre de freiner la chute infernale de ce qui reste encore de valeur à l'entreprise canadienne et peut-être lui permettre d'éviter le sort qu'a subi, de triste mémoire, l'équipementier de télécommunications Nortel.

On dit que BlackBerry dispose toujours de liquidités évaluées à 2,6 milliards et que la valeur de ses brevets dépasse le milliard de dollars. Le réseau d'abonnés du groupe, même s'il est en constant déclin, compte encore plus de 75 millions d'usagers.

Le PDG de Fairfax a résumé sa proposition d'hier en la décrivant comme une occasion excitante pour les clients, les fournisseurs et les employés de BlackBerry.

Elle l'est aussi pour les actionnaires qui vont s'empresser de passer go pour collecter leur dû. À moins qu'un improbable nouvel acquéreur ne se manifeste d'ici là, ce qui serait une deuxième bonne nouvelle pour BlackBerry.