La Réserve fédérale des États-Unis (Fed) vient encore de démontrer l'énorme pouvoir d'attraction et de répulsion qu'elle exerce sur les marchés boursiers. En clarifiant le message ambigu que laissait transparaître le compte rendu de la dernière rencontre de son Comité de politique monétaire, le président de la Fed, Ben Bernanke, a donné jeudi une forte impulsion aux Bourses du monde entier.

Rappelons un peu les faits. Les 18 et 19 juin dernier, le Comité de politique monétaire de la Fed a réuni ses 19 membres dans l'une de ses réunions statutaires où l'on discute de l'évolution de la politique monétaire américaine en regard du comportement prévisible de l'activité économique du pays.

Au sortir de cette réunion de deux jours, le président de la Fed a brièvement résumé, dans un communiqué, que les autorités monétaires américaines pourraient envisager de réduire progressivement leur programme de détente quantitative (le rachat systématique de titres de créance) si l'activité économique poursuivait le redressement observé depuis quelques mois.

Cette déclaration avait jeté une douche froide sur les Bourses nord-américaines et européennes qui s'étaient repliées de plus de 1%. Tout comme elle l'avait fait la première fois que la Fed avait évoqué l'éventualité d'une fin progressive à son programme de stimulation économique, le 21 mai dernier.

Fait à souligner, l'indice S&P 500, qui avait clôturé à un niveau record de 1169 points, le 20 mai, a amorcé depuis cette première déclaration de Ben Bernanke un repli qui s'est terminé le 24 juin et qui lui a fait perdre 5,8% de sa valeur.

Mercredi après-midi, la Fed a donc rendu public le compte rendu de la rencontre de mi-juin de son Comité de politique monétaire, ce qui nous a permis d'apprendre que la moitié des 19 membres du Comité était favorable à la réduction du programme de détente quantitative d'ici la fin de l'année.

Cette précision est venue confirmer l'ambivalence de la Réserve fédérale américaine quant à la poursuite ou non de son intervention sur le marché de la dette, et cette ambivalence a littéralement mis au neutre les Bourses nord-américaines mercredi après-midi.

Dans le cadre de son programme de détente quantitative, la Réserve fédérale achète tous les mois pour 85 milliards de dollars US de bons du Trésor américain et de titres hypothécaires dans le but avoué de donner de l'oxygène aux banques qui disposent ainsi de liquidités suffisantes qu'elles peuvent prêter aux entreprises et aux consommateurs afin de stimuler l'activité économique.

Une majorité d'analystes estime que de mettre un terme prématuré à ce programme risquerait de limiter les disponibilités de capitaux et de freiner la reprise économique.

Précisons que sur l'autre volet d'intervention de la banque centrale américaine, celui des taux d'intérêt, l'unanimité prévaut toujours au sein du Comité de politique monétaire: les taux vont rester à leur niveau plancher pour au moins toute l'année 2014 encore.

Bernanke a décidé de trancher

Il n'en reste pas moins qu'en fin de journée, mercredi, le président de la Réserve fédérale, qui était conférencier à Cambridge, dans le Massachusetts, a décidé de faire une mise au point sans équivoque sur la conduite de la politique monétaire américaine.

À une question qui lui était posée en marge du discours qu'il venait de prononcer, Ben Bernanke a déclaré que la politique monétaire très accommodante que poursuit la Réserve fédérale était ce qui convenait le mieux dans l'avenir immédiat pour l'économie américaine.

Le président de la Fed venait donc de trancher. Même si la moitié des membres de son Comité de politique monétaire préférerait mettre plus rapidement fin au programme de stimulation économique, lui a décidé qu'il penchait du côté de l'autre moitié de son Comité qui estime plus sage de maintenir en vie l'initiative de détente quantitative.

Les réactions à cette déclaration tranchante ont été immédiates. Les Bourses asiatiques et européennes ont toutes terminé en hausse, et les places boursières américaines ont pris le relais jeudi, enregistrant de forts gains qui se sont même traduits par l'atteinte d'un record de fermeture pour l'indice S&P 500 qui a clôturé à 1675,02 points.

Ben Bernanke sait qu'il est prématuré d'annoncer la fin d'un programme qui a donné à ce jour les résultats qu'on attendait de lui.

Le président de la Fed a peut-être été aussi inspiré par ses homologues de la Banque centrale européenne et de la Banque d'Angleterre qui, la semaine dernière, ont tous deux livré de vibrants plaidoyers en faveur du maintien de leurs interventions dans le marché tant que leur situation économique n'aura pas montré des signes durables d'efficacité.

L'intervention des deux responsables européens avait galvanisé les marchés européens. Celle de Bernanke a enflammé les marchés de la planète entière.