Jeff Immelt, le grand patron de General Electric - le plus grand conglomérat et l'entreprise la plus admirée des États-Unis - était de passage à Bromont, hier matin, pour présider à l'inauguration du nouveau centre mondial de recherche et développement en robotique que va accueillir l'usine de sa division GE Aviation. «Tu veux dire le pape était de passage à Bromont», m'a corrigé un ex-dirigeant de GE Canada à qui je relatais la nouvelle.

S'il n'a ni l'aura ni l'envergure emblématique de son prédécesseur Jack Welch - le PDG qu'admirait le plus Laurent Beaudoin, lui-même le PDG le plus admiré de ses pairs québécois -, Jeff Immelt reste un patron fort respecté qui dirige surtout une méga-entreprise issue d'une autre époque, mais qui arrive pourtant sans cesse à se réactualiser.

Malgré ses 120 ans d'âge et la grande diversité de ses activités - électroménagers, moteurs d'avion, produits électroniques, distribution électrique, centrales énergétiques, financement et crédit-bail industriels, soins de santé, transport ferroviaire, pétrole et gaz... -, GE demeure une entreprise innovante capable de livrer des performances financières enviables malgré son statut de conglomérat.

GE a beau être déjà pourvue de quelque 305 000 employés dans le monde - dont 50 000 ingénieurs et scientifiques -, son site internet annonçait hier qu'il y avait présentement 4799 postes à pourvoir dans son réseau de sociétés constituantes.

Ce n'est donc pas pour rien que le PDG d'une telle organisation se fait aisément qualifier de pape par ses nombreux fidèles. D'autant plus que Jeff Immelt se trouve à être le 9e PDG seulement de l'entreprise en 120 ans. En septembre 2001, il a succédé à Jak Welch - dont le règne a duré 20 ans - et il devrait prendre sa retraite dans 3 ans, lorsqu'il aura atteint l'âge de 60 ans.

Le pape en personne

Pour les employés et la direction de GE Aviation à Bromont, la présence de Jeff Immelt, le pape lui-même, venu diriger l'inauguration du nouveau centre de recherche et développement en robotique, était en soi une consécration.

«M. Immelt est un homme très occupé. GE est présente dans 140 pays et exploite au-delà de 500 usines dans le monde. À titre de PDG, il doit venir au Canada une ou deux fois par année pour rencontrer des clients, mais on est bien contents qu'il soit venu participer à l'inauguration de notre centre de robotique», me confiait hier après-midi Philippe Simonato, directeur général de l'usine de Bromont.

M. Simonato enchaîne en précisant que la présence de Jeff Immelt n'était pas étrangère à la grande passion, proche du fanatisme, qu'il cultive à l'endroit de l'«advanced manufacturing», c'est-à-dire l'intégration grandissante des technologies de l'information dans les processus de fabrication industrielle.

Depuis quelques années déjà, le PDG de GE multiplie les conférences sur ce qu'il appelle la nouvelle révolution industrielle, ou l'«industrial internet», qui favorise le développement de l'intelligence analytique des machines afin qu'elles puissent d'elles-mêmes réaliser des diagnostics durant leur processus de fabrication.

Or, l'usine de Bromont est considérée depuis des années comme un centre d'excellence mondial de la division GE Aviation et c'est pourquoi elle a obtenu le mandat de mettre sur pied un centre de recherche et de développement en robotique.

«C'est à notre centre, à Bromont, que nous allons concevoir, développer et tester les nouveaux produits de robotique qui vont être par la suite implantés dans les 84 usines de GE Aviation qui sont réparties dans 14 pays dans le monde et où travaillent 28 000 personnes», souligne Philippe Simonato.

Des agnostiques

Après l'inauguration matinale à Bromont, le PDG de GE s'est déplacé à Montréal pour un dîner privé auquel participaient une cinquantaine de PDG de grandes entreprises, tel Thierry Vandal, d'Hydro-Québec, de financiers et d'avocats d'affaires, tel que l'ex-premier ministre Jean Charest.

Jeff Immelt a été désigné trois fois meilleur PDG du monde par le magazine Barron's, mais pour certains, le PDG n'a jamais su incarner le changement comme Jack Welch l'a fait durant 20 ans.

«À l'époque de Welch, il fallait trois ou quatre qualités pour être un leader. Avec Immelt, il y a une vingtaine de critères. Les gens sont mêlés. Le message change régulièrement», m'a confié un gestionnaire qui a connu les années Welch.

«Pendant des années, il a dit que la révolution passerait par GE Medical, puis le message a changé pour la technologie industrielle. GE Capital, qui était un leader mondial, va bientôt être la moitié de ce qu'il a déjà été. Jack Welch disait simplement: il faut être les meilleurs dans tout ce que nous faisons.»

Là où Jeff Immelt rejoint tout le monde, c'est dans son incessant plaidoyer en faveur de la relocalisation industrielle nord-américaine. Il a été président du comité-conseil du président Barack Obama sur l'emploi et la compétitivité et il milite pour le rapatriement d'emplois délocalisés.

«Assembler un réfrigérateur prend deux heures et demie. Que ce soit à 2$ l'heure en Chine ou à 17$ aux États-Unis ne fait pas une grande différence. C'est la proximité avec le marché qui compte», avance-t-il fort judicieusement.