À quelques heures du premier vol de sa nouvelle génération d'avions, Bombardier vient d'encaisser coup sur coup, en plein Salon du Bourget, deux nouvelles fort démoralisantes qui alimenteront surtout le scepticisme que beaucoup nourrissent à l'endroit de la CSeries, pour laquelle aucune commande n'a été annoncée jusqu'ici.

Lundi, la compagnie brésilienne Embraer, le concurrent de toujours de Bombardier dans le marché des jets régionaux, a éclipsé de façon spectaculaire l'entreprise montréalaise en dévoilant le lancement de sa nouvelle gamme d'appareils commerciaux.

Bon, tous s'y attendaient. Embraer a toujours oeuvré dans le sillage de Bombardier, et le fait que la société brésilienne s'attaque au marché des appareils de 70 à 130 places s'inscrivait dans une démarche aussi logique que prévisible.

Mais là où le bât a blessé, c'est que l'annonce du lancement officiel de cette nouvelle production industrielle a été assortie du dévoilement d'un carnet de commandes à faire rougir de rage et de honte la haute direction de Bombardier Aéronautique.

Après quatre ans de démarchage acharné, Bombardier n'affiche toujours dans son carnet que 388 commandes, soit 177 achats fermes et 211 options d'acquisition.

À quelques jours du premier vol de sa CSeries, Embraer officialise le lancement de sa nouvelle gamme de trois appareils avec un carnet presque identique à celui de Bombardier: 365 commandes, soit 150 commandes fermes, 150 options formulées par 2 transporteurs américains, et 65 lettres d'intention de transporteurs sud-américains.

Hier, ç'a été au tour d'Airbus de tourner le fer dans la plaie. Le transporteur à rabais easyJet, que Bombardier courtise de façon passionnée depuis des années, a passé une commande à Airbus de 135 A-320, un avion tout juste au-dessus de la gamme de la CSeries.

Chez Bombardier, on tentait hier de calmer le jeu en affirmant que les discussions étaient toujours en cours avec easyJet et que les A-320 n'étaient pas des appareils de même catégorie que ceux de la CSeries.

Des ratés bien inopportuns

Ces deux annonces successives ne sont évidemment pas un frein à la volonté de réussite qu'entretient toujours Bombardier à l'endroit de la CSeries, mais elles constituent des ratés inopportuns dans un parcours de sortie de crise qui semblait arriver enfin à terme.

Guy Hachey, le président et chef des opérations de Bombardier Aéronautique, me rappelait lundi que la CSeries a été lancée en 2008, en pleine crise financière et économique.

C'est en 2008 d'ailleurs que les ventes du groupe ont atteint leur dernier pic à 10 milliards. L'an dernier, elles ne s'élevaient qu'à 8,6 milliards.

Ce sont aujourd'hui les ventes d'avions d'affaires qui dominent le volume de l'entreprise. Malgré le fait que Bombardier enregistre encore - et de façon systématique - des commandes importantes de jets d'affaires, l'entreprise prévoit que la CSeries constituera dans cinq ans son principal vecteur de ventes.

«On va doubler nos ventes à 17 ou 18 milliards d'ici 5 ans. La CSeries va représenter de 5 à 8 milliards de revenus additionnels. Notre plan d'affaires vise une production annuelle de 120 appareils, mais sur le plan organisationnel, on va être prêts à en produire 240 par an.

«C'est sûr qu'on n'aura jamais la cadence d'Airbus et ses 45 avions produits mensuellement, mais avec une moyenne de 10 à 15 appareils, on va être en affaires», anticipe toujours Guy Hachey.

La transformation financière de Bombardier ne se limitera pas à l'adjonction attendue de la CSeries, mais inclura aussi le développement d'un nouveau créneau important, celui du service à la clientèle.

Bombardier Aéronautique a nouvellement créé une division Service à la clientèle qui, après seulement 1 an, affiche des revenus de 1 milliard. Le groupe exploite aujourd'hui un réseau de 70 centres de services dans 28 pays et compte y ajouter une trentaine d'ateliers au cours des prochaines années.

«D'ici cinq ans, on prévoit enregistrer cinq milliards de revenus avec cette nouvelle division, et les marges qu'on en retire sont nettement supérieures à la moyenne», précise le président.

Le flot incessant de nouvelles commandes de jets d'affaires, le début de la production industrielle de la CSeries et la nouvelle division Service à la clientèle n'avaient pas échappé au marché puisque, début juin, le titre de Bombardier s'était apprécié de 30% depuis le début de l'année.

Le virage financier de Bombardier a pris une tangente négative au cours des derniers jours. Alimentée par les mauvaises nouvelles, l'action (BBD.B) a reculé de 7% depuis son sommet de la dernière année (5,00$, au début de juin), clôturant à 4,56$ hier à Toronto.