Le temps presse pour les fonds de travailleurs québécois. Ils ont jusqu'à la fin du mois pour tenter de convaincre le cabinet conservateur qu'il fait fausse route en abolissant les privilèges fiscaux du Fonds de solidarité de la FTQ et du Fondaction de la CSN. Une dernière ligne droite d'intense lobbying s'amorce donc à partir d'aujourd'hui en vue de faire fléchir un gouvernement conservateur peu enclin à reculer.

Dans son dernier budget, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a pris tout le monde au dépourvu en annonçant qu'il allait graduellement mettre un terme à partir de mars 2015 au crédit fiscal de 15% que procurent les fonds de travailleurs canadiens. En 2018, le crédit fiscal fédéral aura totalement disparu.

Cette mesure touche en fait essentiellement les fonds de la FTQ et de la CSN qui constituent plus de 85% du capital investi dans les fonds de travailleurs canadiens.

Dès l'annonce de cette modification au statut fiscal des fonds de travailleurs, les mentors conservateurs du Québec ont bien fait savoir qu'il était hors de question de revenir en arrière puisque cette mesure devrait permettre d'épargner 355 millions de dollars sur quatre ans au gouvernement fédéral.

Le ministre Flaherty a toutefois laissé la porte timidement entrouverte à la consultation en donnant aux groupes et aux personnes intéressés la possibilité de faire entendre leur point de vue sur le sujet jusqu'au 31 mai.

C'est donc aujourd'hui que les fonds de travailleurs québécois vont partir le bal pour tenter de convaincre le gouvernement Harper de ne pas aller de l'avant avec cette mesure qui risque d'affaiblir considérablement la portée du Fonds de solidarité et du Fondaction.

De concert avec la Chambre de commerce de Montréal, qui doit dévoiler aujourd'hui les résultats d'une étude sur la contribution économique des fonds de travailleurs, les présidents du Fonds de la FTQ et de la CSN vont développer de nouveaux arguments pour démontrer la complémentarité des fonds de travailleurs aux firmes de capital de risque traditionnelles.

Plutôt que de revenir avec leurs statistiques habituelles qui illustrent le nombre d'emplois créés ou maintenus grâce à leur apport de capital direct dans les entreprises, les fonds de travailleurs québécois vont faire valoir leur rôle dans l'écosystème du capital de risque canadien.

Plutôt que mettre en valeur le rôle essentiel qu'ils jouent auprès de leurs 700 000 actionnaires dont les contributions au Fonds de solidarité ou au Fondaction représentent souvent la seule épargne en vue de la retraite, ils vont insister sur l'apport de capital que leurs organismes redirigent dans le système financier canadien.

Fonds de capital de risque

Léopold Beaulieu, président du Fondaction de la CSN, explique cette contribution méconnue des fonds des travailleurs.

«Le gouvernement conservateur n'a pas compris que notre intervention dans le capital de risque se fait à deux niveaux. On investit directement dans le capital des entreprises, mais on investit aussi dans une quarantaine de fonds diversifiés de capital de risque québécois et canadien», souligne le gestionnaire.

Les fonds de travailleurs n'arrivent pas à écouler tout le capital qu'ils ont récolté dans des entreprises québécoises et ils doivent donc canaliser une partie de ces fonds dans d'autres projets de capital de risque pour être admissibles au crédit fiscal qu'Ottawa veut prochainement leur enlever.

Pour le seul Fondaction de la CSN, cela représente des investissements de 400 millions au cours des 10 dernières années qui ont profité à cette quarantaine de firmes de capital de risque.

Au Fonds de solidarité de la FTQ, dont la taille dépasse largement le Fondaction, on parle de 1 milliard qui a été investi dans des fonds de capital de risque diversifiés au cours des 10 dernières années.

Ce qui veut dire que les fonds de travailleurs québécois ont généré 1,4 milliard en 10 ans pour mieux capitaliser l'ensemble de l'industrie du capital de risque canadien.

Ironiquement, le gouvernement fédéral a proposé dans son dernier budget d'allouer 400 millions au cours des 10 prochaines années pour soutenir l'industrie canadienne du capital de risque.

Richard Rémillard, directeur général de l'Association canadienne du capital de risque et d'investissement (ACCRI), est d'avis que le gouvernement Harper fait fausse route en voulant réduire les avantages fiscaux des fonds de travailleurs. «Historiquement, les fonds fiscalisés ont fait énormément de travail. Non seulement avec leurs investissements directs dans les entreprises, mais en investissant dans des fonds spécialisés, en participant à la capitalisation générale de l'industrie.

«Les fonds de travailleurs comme celui de la CSN et de la FTQ contribuent de façon importante à l'industrie canadienne du capital de risque. C'est vrai aussi pour le fonds de travailleurs de la Saskatchewan», souligne Richard Rémilliard.

Les dirigeants des fonds de travailleurs québécois lancent leur campagne à Montréal aujourd'hui, mais ils vont se déplacer rapidement à Ottawa pour bien sensibiliser tous les membres du cabinet Harper à cette réalité de l'industrie du capital de risque canadien.