La forêt a, de tout temps, été le lieu d'une activité économique importante au Québec. Elle a occupé un rôle central durant la colonisation pour se transformer, avec l'apparition et l'explosion des journaux à grand tirage, en véritable locomotive industrielle au début du XXe siècle. Le passage à l'an 2000 n'a toutefois pas été une époque glorieuse pour l'industrie forestière québécoise qui émerge tout juste d'une crise sans précédent.

De 2000 à 2012, l'industrie forestière québécoise a été fortement affectée par la chute de plus de 60% de la demande nord-américaine en papier journal et par l'effondrement, à partir de 2006, du marché de la construction résidentielle aux États-Unis.

À la suite de fermetures, de faillites, de rationalisations et de restructurations, l'industrie, qui employait 96 554 travailleurs en 2000, n'en comptait plus que 61 107 à la fin de 2012. Plus de 35 000 travailleurs ont ainsi perdu leur emploi dans les régions-ressources du Québec.

Tous les secteurs liés à l'activité forestière ont écopé: que ce soient les travailleurs en forêt (-9000), les travailleurs d'usines de pâtes et papiers (-12 000) ou les travailleurs en scierie ou en fabrication (-14 000).

Il était temps que l'hécatombe cesse et - fort heureusement - c'est ce qui s'est produit l'an dernier lorsque le nombre de nouvelles mises en chantier aux États-Unis s'est enfin remis à grimper pour totaliser 750 000, comparativement au niveau plancher de 500 000 en 2011. Les prévisions de nouvelles constructions pour 2013 sont de 1,2 million de logements.

Parallèlement, la production de papier journal décline toujours, mais les autres produits de pâtes offrent encore de bons débouchés, particulièrement dans le secteur des pâtes cellulosiques qui servent à la fabrication de tissus.

Le renversement de tendance a donc des effets bien réels au Québec où j'ai réalisé le mois dernier une tournée des régions - Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chibougamau, Mauricie et Outaouais - où la forêt occupe toujours une place prédominante dans l'activité économique.

Partout, des scieries qui avaient fermé leurs portes durant la crise ont repris vie. Des usines de pâtes qui avaient cessé leurs activités à Dolbeau, Thurso et - prochainement - Lebel-sur-Quévillon les ont redémarrées, mais avec un nouveau type de production.

Les témoignages des acteurs qui sont au premier rang de cette relance sont publiés depuis trois jours dans La Presse" où l'on vous présente ce matin des champions de la troisième transformation du bois, un élément essentiel à la pérennité de l'industrie forestière québécoise.

Dans le respect de l'environnement

Le passage aux années 2000 a été aussi douloureux pour l'industrie forestière québécoise parce que son image a été passablement écorchée par la sortie, en 1999, du documentaire-choc L'Erreur boréale du chanteur, poète et pamphlétaire Richard Desjardins.

Le film présentait à l'aide d'images saisissantes des exemples de coupes forestières sauvages réalisées dans des environnements guère propices à la régénération naturelle des espèces et des écosystèmes. Un film qui a forcé les entreprises forestières à s'interroger sur leurs pratiques et la préservation de la ressource.

Depuis la sortie de L'Erreur boréale, il y a 14 ans, bien des choses ont changé.

Si la crise a freiné l'appétit des entreprises - 3,1 milliards de pieds-mesure-de-planche sont sortis des scieries québécoises en 2011 comparativement à 7,5 milliards en 2006 -, les pratiques de coupe en forêt sont presque totalement soumises à une certification FSC (Forest Stewardship Council).

Les grands détaillants comme Rona ou Home Depot exigent cette certification qui confirme que la coupe en forêt a été faite dans le respect des populations autochtones et de leurs territoires de trappe et de chasse; des espèces menacées, telles que le caribou forestier; des écosystèmes environnants; et des habitats fauniques.

«Plus de 80% de nos activités sylvicoles visent à sarcler les zones qui ont été coupées pour assurer la repousse des espèces. On doit replanter là où on fait des chemins et protéger la régénération naturelle», précise André Tremblay, président du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ).

Selon le CIFQ, 95% de la récolte en forêt au Québec est certifiée aux normes FSC. Une récolte qui doit donc répondre à des chaînes de traçabilité pour assurer que la coupe a été réalisée selon des paramètres de développement durable.

Même Richard Desjardins consent aujourd'hui à admettre que l'industrie s'est amendée et qu'elle montre des signes d'amélioration. C'est ce que le chanteur a observé mercredi au cours d'une rencontre avec le Cercle de presse du Saguenay, où il a insisté sur l'importance de mieux développer une industrie de deuxième et troisième transformation du bois. Un constat que tous partagent.