On savait que le gouvernement conservateur de Stephen Harper n'avait jamais eu d'affinité particulière avec les syndicats ou les organismes communautaires, mais on était loin de penser qu'il entretenait des préjugés aussi défavorables à l'endroit des travailleurs en général.

Le budget qu'a déposé jeudi Jim Flaherty aurait été inoffensif, un simple rapport d'étape dans le processus de retour à l'équilibre budgétaire prévu pour l'exercice 2015-2016, si ce n'avait été de deux mesures que Flaherty a sorties dont on ne sait où ni à quel escient et qui ont rendu l'exercice totalement détestable pour bien des Québécois.

En décidant de sabrer les avantages fiscaux qui avaient été accordés de longue date au Fonds de solidarité de la FTQ et plus récemment au Fondaction de la CSN, Ottawa n'a pas été guidé par une logique économique, mais a agi pour des raisons idéologiques.

Pourquoi un Fonds de travailleurs aurait droit à des avantages fiscaux alors qu'il y a abondance de capital de risque sur le marché, laissent entendre depuis jeudi les porte-parole du gouvernement Harper?

Faire de telles affirmations, c'est méconnaître le Québec et le rôle qu'y joue le Fonds de solidarité. Bien sûr, le Fonds n'a pas fait que de bons coups au cours de ses 30 années d'existence.

Bien sûr, la FTQ - comme organisation syndicale - n'a jamais été un modèle de démocratie et qu'elle n'a pas toujours eu un comportement exemplaire, bien loin de là.

Mais le Fonds remplit toujours sa mission d'origine qui est de contribuer à créer et à maintenir des emplois au Québec et à participer au développement de ses entreprises.

Quelle société de capital de risque serait encore aujourd'hui à pied d'oeuvre pour essayer de relancer les activités d'Aveos, l'ancien atelier d'entretien d'Air Canada? C'est ce que continue de faire le Fonds, alors que plus personne ne parle de cette catastrophe qui a pourtant mis à la rue 1200 travailleurs spécialisés.

Le coût fiscal annuel de 135 millions - le total des déductions fiscales qu'obtiennent les actionnaires du Fonds - qu'encourt le fédéral n'est pas une perte.

Selon la firme Secor, qui n'a pas une grille d'analyse marxiste et qui est beaucoup plus à droite que ne peut l'être l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), le gouvernement fédéral récupère cette somme dans les 2,9 années qui suivent la fin de l'année financière en raison de l'activité économique que génèrent les investissements du Fonds et les prestations d'assurance-emploi qu'il n'a pas eu à verser.

C'est avec la plus grande stupéfaction que les dirigeants du Fonds ont appris la nouvelle jeudi après-midi. Jamais ils n'ont été consultés par le gouvernement fédéral sur une possible ou éventuelle modification de leurs avantages fiscaux.

L'autre mesure inopinée du budget Flaherty a été l'annonce de la création de la subvention canadienne pour l'emploi, un programme qui ne constitue rien de moins qu'une intrusion peu subtile dans un champ de compétence provinciale.

Il y a tout juste un mois, le ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, nous expliquait dans le cadre de la grande entrevue du samedi qu'il n'entretenait aucune inquiétude face au dépôt imminent du budget fédéral conservateur.

«Il n'y a pas de gros dossiers litigieux avec Ottawa on souhaite seulement que le fédéral reconduise l'Entente Canada-Québec sur le marché du travail et son enveloppe de 116 millions qui sert à l'insertion de gens qui sont éloignés du marché du travail, tels que les nouveaux arrivants, des décrocheurs ou des personnes handicapées», avait précisé le ministre Marceau.

Ottawa a décidé jeudi de reconduire l'enveloppe de 116 millions, mais en la soumettant à des conditions bien spécifiques. Dorénavant, la formation devra se faire en entreprise pour combler un besoin spécifique et le fédéral accordera une subvention de 5000$ à la condition que l'employeur en fasse autant et que Québec allonge la même somme.

Plutôt que réduire ses dépenses en Aide sociale, Québec devra dépenser pour chaque nouveau travailleur qui sera formé. Pour un gouvernement qui gère quotidiennement la pénurie, ce n'est évidemment pas la voie souhaitée.

Avec son dernier budget, Ottawa vient de se braquer inutilement le Québec et ne fait rien pour redorer son image. Sa réforme de l'assurance-emploi, en vigueur depuis janvier, a semé la colère en région.

Une colère qui ne tempère pas parce que les travailleurs ont l'impression d'être devenus les têtes de Turc du gouvernement Harper. On leur limite l'accès à l'assurance-emploi, mais on se sert de leurs cotisations pour créer des surplus qui vont servir à renflouer le déficit.

Des surplus de 3,6 milliards en 2013-2014, de 4,6 milliards en 2014-2015 et de 5,5 milliards en 2015-2016. Une belle raison de célébrer le 1er mai.