Cela fait 27 ans maintenant que Bombardier est active dans le secteur de l'aéronautique où elle s'est hissée au troisième rang mondial des constructeurs d'avions sans avoir jamais eu à livrer concurrence aux géants Airbus et Boeing.

Une situation idyllique qui a pris fin jeudi lorsque Bombardier a annoncé qu'elle allait maintenant jouer dans la cour des grands et s'attaquer directement au marché du redoutable duopole des airs.

Bombardier a confirmé jeudi qu'elle allait offrir une nouvelle option à ses clients en leur proposant une version de 160 sièges de sa nouvelle gamme d'avions CSeries.

Depuis le lancement du programme CSeries, Bombardier a toujours affirmé vouloir exploiter à fond le segment de marché des avions de 100 à 149 places. Un marché où la multinationale montréalaise ne s'attaquait pas directement aux appareils du bas de gamme des géants Boeing et Airbus.

La version d'avions à plus forte densité que proposait jusqu'à jeudi Bombardier était le modèle CS300 qui pourra accueillir un maximum de 149 passagers, soit le nombre minimum de sièges que peuvent contenir les Airbus 320neo et les Boeing 737-800, les deux plus récents et plus petits modèles d'avions des constructeurs américain et européen.

Bombardier n'était donc pas un concurrent direct des deux manufacturiers qui se partagent le lucratif marché des appareils de ligne longs courriers qui vont chez Airbus de 150 passagers pour le A320 aux 525 à 850 passagers du gigantesque A380 alors que Boeing dispose d'une gamme d'appareils qui peuvent transporter de 150 à 500 passagers. Les deux géants offraient des versions plus petites du A320 et du 737 mais ce n'était pas un marché très porteur.

Avec un CS300 qui pourra compter jusqu'à 160 sièges, Bombardier s'immisce donc par contre dans ce qui était jusqu'à nouvel ordre la chasse gardée de Boeing et d'Airbus.

Même si Bombardier n'était pas directement dans les pattes de ses nouveaux concurrents, ceux-ci avaient déjà mal digéré que le fabricant montréalais décide de s'attaquer au créneau des appareils de 100 à 149 sièges, avec un produit plus économique à utiliser que les leurs.

Airbus et Boeing ont d'ailleurs rapidement réagi en élaborant chacun une version améliorée de leurs appareils de gamme inférieure en lançant le A320neo et le 737-800 qui proposent des économies de carburant de 15% par rapport à leurs anciens modèles.

Mais il s'est surement récité des chapelets à haute voix dans les officines des dirigeants des deux géants de l'aéronautique lorsqu'ils ont appris jeudi que Bombardier poussait sa chance plus loin en proposant dorénavant sa version de 160 places de la CSeries.

On aimait médire de Bombardier, mais là, on va les détester pour vrai parce qu'il va proposer un avion à moindre coût d'acquisition que les autres appareils et à moindre coût d'exploitation.

Chez Bombardier, on n'a pas voulu jeter de l'huile sur le feu ni attiser la rancoeur du duopole Boeing-Airbus en procédant à l'annonce de jeudi. La direction dit avoir pris la décision d'offrir une version à 160 places parce que ses clients actuels et d'autres potentiels lui ont demandé de le faire.

Guy Hachey, le président de Bombardier Aéronautique, précise d'ailleurs que l'entreprise a toujours évoqué l'éventualité d'élargir la gamme de sa CSeries. On l'a tout simplement confirmé jeudi.

Le pdg remet aussi en perspective la place qu'occupera la version de 160 places dans le portefeuille de Bombardier.

«Ce sont des transporteurs à rabais qui nous ont demandé la version de 160 sièges. L'avion aura sensiblement la même dimension que le CS300 de 149 places mais l'espace entre les sièges sera de 28 pouces plutôt que dans les autres configurations où cet espace variera entre 31 et 32 pouces», fait-il valoir.

«Le 737 et le A320 sont les avions les plus vendus au monde. Ils en produisent de 450 à 500 par année. On veut se concentrer sur le marché des appareils entre 100 et 149 places, c'est ça notre créneau. La version de 160 places viendra compléter notre offre», ajoute Guy Hachey.

Chose certaine, en ajoutant une nouvelle version à sa CSeries, Bombardier Aéronautique vient de solidifier ses perspectives de ventes globales pour sa nouvelle génération d'avions.

Selon les prévisions du constructeur montréalais, le marché devrait absorber entre 6800 et 7000 appareils de 100 à 149 places au cours des 20 prochaines années.

En bonifiant son offre d'une gamme d'appareils additionnelle, Bombardier élargit son bassin d'acheteurs potentiels et augmente ses chances d'enregistrer des commandes qu'elle n'aurait pas décrochées autrement.