Même s'il n'y a toujours pas l'ombre d'une équipe de hockey professionnel qui plane sur la ville de Québec - pendant que le Canadien réussit à trôner seul en tête du classement de la division Est de la Ligue nationale de hockey -, la rivalité folklorique Montréal-Québec est déjà bien réengagée.

Cette rivalité tout autant sportive que tribale ne concerne pas encore la course à une éventuelle place dans les séries ou aux lucratives cotes d'écoute de la retransmission de matchs. Elle s'est plutôt déplacée du côté de la course aux contrats entourant la construction du nouvel amphithéâtre du maire Labeaume.

Il y a deux semaines, la Ville de Québec a annoncé que c'est le Groupe ADF, de Terrebonne, qui a été retenu comme plus bas soumissionnaire du contrat de fabrication et d'installation de la structure d'acier qui formera l'armature du futur amphithéâtre de la capitale nationale.

Le Groupe ADF a proposé de livrer les composantes et d'ériger la structure d'acier du stade pour la somme de 46,6 millions de dollars, soit à un prix inférieur à l'évaluation du coût des travaux de 48 millions qu'en avait faite la Ville de Québec.

Deux autres firmes avaient soumissionné pour cet important contrat. Le groupe Canam, de Saint-Georges de Beauce, a estimé à 50,9 millions les coûts de livraison du projet et Construction Proco du Lac-Saint-Jean a présenté une soumission à 56,5 millions.

Le contrat de la structure est le plus important de l'ensemble du projet de nouvel amphithéâtre de Québec pour lequel le maire Labeaume a prévu un budget total de 400 millions.

La soumission la plus basse du Groupe ADF doit maintenant passer les tests aux examens de conformité du projet et doit aussi obtenir le feu vert de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Il n'en reste pas moins qu'il est particulièrement ironique que ce soit une firme de la grande région de Montréal qui se retrouve en tête de peloton pour réaliser cet important ouvrage industriel dans la Vieille capitale.

Depuis que le projet du nouvel amphithéâtre de Québec a été officiellement lancé, le groupe Canam, de Saint-Georges de Beauce, a été de tous les combats pour que ses promoteurs favorisent son érection avec une structure en acier plutôt que d'opter pour une structure hybride où le bois aurait pu servir notamment à la construction de la toiture.

Le gouvernement libéral de Jean Charest souhaitait que l'amphithéâtre de Québec soit une occasion pour l'industrie forestière québécoise - gravement hypothéquée par 10 années de crise continue - de mettre de l'avant les nouvelles applications industrielles des produits de la forêt et serve en quelque sorte de vitrine innovatrice.

Le groupe Canam, qui a réalisé la construction d'une soixantaine de stades et d'amphithéâtres partout en Amérique du Nord, avait une longueur d'avance théorique et son président du conseil, Marcel Dutil, était même l'un des cinq ex-propriétaires des défunts Nordiques, quelqu'un de fortement impliqué dans la communauté québécoise.

Période supplémentaire

Mais le jeu de l'appel d'offres a placé Canam bon deuxième soumissionnaire. Est-ce que Marc Dutil, PDG du Groupe, souhaite que la décision de la Ville de Québec soit infirmée par le jeu des tests de conformité aux spécifications du projet?

M. Dutil n'a pas voulu commenter sur cette éventualité qu'on lui a soumise. Au cours d'une téléconférence pour discuter des derniers résultats financiers de Canam, le PDG a toutefois confessé que cet appel d'offres avait probablement été le plus difficile des 20 dernières années pour son groupe.

«Je ne suis pas censé parler de cette soumission, mais on a travaillé très fort pour la remporter. En appliquant une simple règle de trois par rapport à notre dernier projet d'amphithéâtre à Pittsburgh, on aurait dû soumissionner à 52 millions. On a été très agressif en baissant nos prix à 50,8 millions.

«Je souhaite bonne chance à ADF, on les respecte et ils ont réussi un bon coup», a dit, très gentleman, Marc Dutil.

Chose certaine, à la suite du gouffre financier qu'a représenté la complexion du toit rétractable du stade BC Place de Vancouver, Canam a resserré grandement sa politique de gestion de risque.

L'an dernier, Canam a pris une provision de 40 millions pour ce projet qui s'est grandement morpionné et a revu sa politique de gestion de risque.

Les résultats financiers dévoilés hier témoignent d'ailleurs d'un fort redressement pour le dernier exercice 2012, que Canam a terminé avec un bénéfice net de 17 millions comparativement à une perte de 32,5 millions l'an dernier.

À son dernier trimestre, malgré un fléchissement des revenus à 238,5 millions, Canam a dégagé un bénéfice net de 7,4 millions comparativement à 3,3 millions il y a un an.