La dernière édition de la Guignolée des médias m'a permis de vivre un souper plus que parfait la semaine dernière et, surtout, d'assister à la rencontre improbable - et riche en anecdotes de toutes sortes - du fondateur d'une PME globale et du PDG d'une multinationale qui desservent tous deux le marché de niche des milliardaires.

Dominique Alary a fondé il y a 20 ans la société Lumid, spécialisée dans la conception d'éclairage architectural sur mesure, une PME montréalaise qui conçoit, fabrique et vend partout dans le monde des systèmes d'éclairage très haut de gamme. La moitié des revenus de Lumid provient de projets personnalisés qu'elle réalise pour les résidences privées de milliardaires.

M. Alary a remporté la mise aux enchères du lot de Guignolée de La Presse, en décembre dernier, dont le prix était un souper en compagnie de Pierre Beaudoin, président et chef de la direction de Bombardier.

Cette rencontre fort sympathique a été haute en couleur puisqu'elle s'est déroulée au restaurant Europea - l'une des 10 meilleures tables au monde selon le site internet Trip Advisor -, où le chef Jérôme Ferrer nous a généreusement reçus avec une cascade de plats tous plus imaginatifs les uns que les autres. Un véritable feu d'artifice gastronomique.

Dominique Alary n'avait rien à vendre à Pierre Beaudoin, ni à Bombardier. «J'aime le resto Europea et je voulais surtout partager l'expérience que Pierre Beaudoin a du marché de niche que sont les milliardaires. C'était une belle occasion de bien manger en bonne compagnie», explique-t-il, accompagné de son ami et mentor Marcel Paquette, un ancien de la Banque fédérale de développement et de ScotiaMcLeod.

Il s'agissait pourtant d'une rencontre inégale. Lumid emploie 15 personnes dans ses ateliers de LaSalle, 30 en période de pointe. Bombardier a 75 000 employés dans 60 pays.

Pourtant, les deux hommes ont beaucoup de clients en commun. Le président de Qatar Airways, Akbar Al Baker, pour qui Lumid va produire les luminaires du nouvel aéroport de Doha, un contrat d'une valeur de huit millions, est aussi client de Bombardier.

Steve Wynn, PDG de Wynn Resorts Limited - qui possède les trois quarts des casinos de Las Vegas et où Lumid a conçu et fabriqué à peu près tous les luminaires - a acquis plusieurs Global de Bombardier.

Certains oligarques russes qui sont des clients réguliers de la division jets d'affaires de Bombardier Aéronautique deviennent aussi les nouveaux clients de Dominique Alary.

Pierre Beaudoin, qui rentrait tout juste de son séjour annuel au Forum économique mondial de Davos, confirme que le marché des milliardaires est encore très vigoureux pour sa division de jets d'affaires.

«J'ai passé la semaine à Davos en rencontres privées. Je n'ai pas eu le temps d'assister aux conférences du Forum. J'avais des rendez-vous planifiés aux demi-heures toute la semaine. Avec des chefs d'État pour des projets ferroviaires, mais avec beaucoup de nos clients pour nos jets d'affaires», explique le PDG.

Bombardier n'a plus besoin de lettre de présentation pour vendre ses avions privés. L'entreprise vient de signer des commandes records pour ses jets Challenger et Global. Lumid doit quant à elle toujours compter sur le réseautage pour percer ce marché très particulier des individus immensément riches.

«On vient de signer un contrat pour la fabrication d'un lustre composé de 10 000 pièces de cristal toutes incrustées de lampes DEL qui vont créer un écran vidéo au-dessus de la piscine de notre client, près de Moscou. Ça va nous ouvrir des portes pour d'autres contrats là-bas», souligne Dominique Alary.

Curieusement, tout au long de ce souper animé de prouesses culinaires et de discussions à l'emporte-pièce, Pierre Beaudoin ne formulera qu'un seul conseil à Dominique Alary - et à plus d'une occasion - lorsqu'il est question d'un client potentiel.

«Assure-toi d'être payé avant la livraison, met en garde Pierre Beaudoin. Même s'ils ont tout ce qu'ils veulent, beaucoup de milliardaires deviennent intraitables quand c'est le temps de payer.»

C'est beau vendre à des milliardaires, c'est mieux quand on se fait payer.