Après bientôt 30 années d'existence, marquées d'audacieuses innovations, de spectaculaires prouesses financières et d'une suite quasi ininterrompue de succès artistiques, le Cirque du Soleil a frappé un mur.

À trop vouloir étirer la sauce, le groupe de Guy Laliberté en est malheureusement arrivé à diluer sa recette - sa valeur distinctive, son trade mark - qui a toujours été sa capacité unique de susciter l'émerveillement.

Avec pour résultat que le Cirque du Soleil a, pour une très rare fois, raté son rendez-vous avec la rentabilité en 2012 et qu'il a dû prendre des mesures pour réduire ses coûts et que ses dirigeants devront surtout revoir le modèle d'affaires du groupe.

La suppression de 400 emplois, dont la majorité s'effectuera au siège social du Cirque à Montréal, est une nouvelle triste en soi, d'autant plus que l'entreprise de Guy Laliberté nous avait toujours nourris au succès, à l'expansion et aux coups d'éclat.

Au-delà de la situation économique mondiale difficile ou du taux de change désavantageux, le Cirque du Soleil a été d'abord victime de la surexploitation de sa formule qui a pourtant fait sa renommée.

Le Cirque du Soleil est né et a connu une fulgurante ascension sur la scène internationale parce qu'il a mis en forme une proposition totalement neuve des arts du cirque.

Même si cette innovation et ce besoin de se renouveler sont encore au centre de toute la démarche du groupe, le public, lui, semble depuis quelques années maintenant s'être lentement lassé de la formule.

Assister à un spectacle du Cirque du Soleil a beau toujours être un moment de déploiement de créativité humaine et artistique incroyable, on a parfois l'impression de revivre un spectacle qu'on avait déjà vu en personne ou à la télévision.

L'an dernier, le Cirque avait pas moins de 21 spectacles différents qui tournaient simultanément aux quatre coins du monde. Mais cette omniprésence - aussi créative puisse-t-elle être - commençait à prendre des airs de redondance.

Cette perception a forcé le Cirque à annuler après moins de deux ans seulement le spectacle permanent IRIS - sur le thème du cinéma - qui avait été conçu spécialement pour Hollywood.

En plus de ne pas récupérer les 45 millions de frais de développement de la production, le Cirque a dû essuyer une perte de 20 millions en revenus de billetterie. L'aventure Iris qui devait durer 10 ans a pris fin moins de 2 ans après son lancement.

Au cours de la dernière année, le Cirque a aussi prématurément mis fin à deux autres spectacles en Asie après moins de quatre ans d'existence. C'est trop tôt quand on sait que l'amortissement des coûts d'une production est de cinq ans.

Le Cirque a aussi lancé, en fin d'année, son film 3D, Le voyage imaginaire, coproduit par le cinéaste canadien James Cameron.

Cette première incursion du Cirque au grand écran a généré à ce jour des rentrées de 24 millions de spectateurs, un chiffre impressionnant, mais qui ne fournira qu'une fraction des recettes par rapport à ce qu'il touche pour la vente de billets de spectacle.

Les problèmes du Cirque du Soleil sont passagers et ne sont surtout pas insolubles. Il faut même s'étonner qu'une telle crise de croissance survienne après 30 ans d'existence et de succès à peu près continus.

À cet égard, il faut rappeler que parmi les spectacles qui ont cessé d'être produits en 2012, il y a eu Saltimbanco - véritable production emblématique du groupe - qui a tourné durant plus de 20 ans partout dans le monde et qui a été vu par 14,2 millions de spectateurs.

À des fins de discussion, si on attribue un prix moyen de 80$ le billet, cette production aura généré des revenus de 1,1 milliard durant sa vie utile. C'est ce genre de succès unique que le Cirque doit chercher à répéter.