On savait que Nicolas Marceau n'avait aucune marge de manoeuvre pour réaliser son engagement de ramener dès l'an prochain l'équilibre budgétaire au Québec. Pour y arriver, le ministre des Finances a dû effectivement déployer tout un arsenal de mesures fiscales et budgétaires, et même puiser dans le répertoire patrimonial de ses prédécesseurs en décrétant une hausse immédiate du prix des cigarettes et de l'alcool.

De mémoire, ça faisait un petit bout de temps qu'on n'avait pas vu un ministre des Finances recourir à une hausse du prix des cigarettes et de l'alcool pour boucler son budget.

En pleine année de croissance économique anémique d'à peine 0,9% - et de croissance timide de 1,5% l'an prochain -, Nicolas Marceau savait qu'il n'aurait pas droit à l'abondance et il est allé chercher des revenus additionnels là où il pouvait les récolter.

À partir d'aujourd'hui, les fumeurs devront donc payer 50 cents de plus pour leur paquet de cigarettes et les consommateurs d'alcool devront eux aussi absorber une hausse de quelques cents lorsqu'ils achèteront une bière, une bouteille de vin ou de spiritueux.

Ces deux nouvelles hausses de taxes vont enrichir Québec de 230 millions l'an prochain. Le ministre des Finances en était rendu là. C'est en additionnant les millions récupérés ici et là qu'il arrive à boucler la boucle de l'équilibre budgétaire en 2013-2014.

On est donc très loin du budget audacieux et imaginatif auquel nous avait conviés le gouvernement de Pauline Marois.

Il s'agit plutôt d'un exercice comptable laborieux qui repose sur une approche on ne peut plus traditionnelle des fameuses colonnes de revenus et de dépenses. Gérard D. Levesque, ministre des Finances de Robert Bourassa, n'aurait eu aucune difficulté à concocter un tel budget.

Mais n'empêche, Nicolas Marceau a effectivement livré hier ce qu'il avait promis, sur papier du moins. Les compressions de dépenses ciblées qu'il a annoncées, conjuguées à diverses augmentations de revenus, devraient lui permettre d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2013-2014.

Ça, c'est la beauté des prévisions budgétaires. Sur papier, tout semble en équilibre, mais l'usage du temps fait souvent bien mal vieillir ces pronostics qui apparaissaient à première vue inattaquables.

Sur le plan des revenus, Québec a aussi appelé en renfort les banques et les institutions financières, qui devront poursuivre jusqu'en 2019 le paiement d'une contribution spéciale qui rapportera 80 millions additionnels l'an prochain.

À l'affût de tous les millions qui pouvaient se présenter, le ministre des Finances a annoncé le resserrement de certains crédits d'impôt remboursables destinés aux entreprises, qui rapporteront 68 millions l'an prochain.

L'ère du micro-management

Mais la partie la plus importante de l'effort budgétaire proviendra de l'appareil gouvernemental, à qui le ministre a sérieusement serré la ceinture en limitant à 1,8% la croissance des dépenses des programmes, tout en maintenant intacte celle des irrépressibles ministères de la Santé et de l'Éducation.

Des ministères vont devoir composer avec des budgets de fonctionnement réduits jusqu'à 20%, comme ce sera le cas aux Ressources naturelles.

Aux Relations internationales, l'effort de réduction de coûts de 14% représentera une économie de 20 millions en 2013-2014. Ce n'est pas grand-chose, mais ce sera ça de gagné. L'exécution de ces compressions risque toutefois de soulever son lot de vagues.

Les sociétés d'État Hydro-Québec, Loto-Québec et la Société des alcools du Québec devront livrer des dividendes en hausse, mais devront également générer des gains d'efficacité qui totaliseront 290 millions.

Bref, pour que le plan Marceau fonctionne vraiment, il faudra que l'appareil gouvernemental et les sociétés d'État tiennent leurs promesses et exécutent réellement les commandes qui leur ont été passées.

Il faudra surtout au gouvernement Marois un sérieux et constant effort de micro-management pour que le budget Marceau s'articule dans la réalité et que l'objectif du déficit zéro se matérialise. Une belle année sur la corde raide en perspective.