Nicolas Marceau a beau dire qu'il a fait preuve de souplesse dans les moyens, mais qu'il est resté ferme sur son objectif de soulager la classe moyenne, la décision de ne pas annuler la taxe santé reste une capitulation entière par rapport à une promesse qu'il a maintes fois tenue durant la campagne électorale. Ce qui est néanmoins tout à son honneur.

C'est que la capitulation du ministre des Finances n'est pas grave en soi. Elle démontre plutôt tout le sens du réalisme dont Nicolas Marceau a fait preuve face à un engagement qui risquait de marginaliser le Québec et d'en faire un lieu hostile à l'investissement.

Le Parti québécois n'a pas été élu sur la base de son seul engagement à éliminer la taxe santé de 200$. Il s'agissait d'un élément d'un programme beaucoup plus large. Et si le PQ a été élu, c'est surtout parce que les Québécois voulaient du changement.

Mais le changement que proposait le Parti québécois pour éliminer la taxe santé - sans perdre le milliard de revenus qui y était rattaché - rendait la fiscalité des mieux nantis totalement hors norme par rapport au reste du continent nord-américain.

Le Québec avait déjà la fiscalité la plus pénalisante pour les hauts salariés. En rajouter, comme le prévoyait le programme du PQ, aurait eu des effets bien plus pervers qu'une simple morosité temporaire comme le prétendaient les partisans des hausses d'impôt des riches contribuables.

Et, surtout, le remplacement de la taxe santé impliquait une révision bien trop large des différents modes de revenus des particuliers.

Une hausse même importante des paliers d'imposition pour ceux qui gagnent plus de 130 000$ par année n'était pas suffisante, il fallait aussi taxer davantage les gains en capitaux et le paiement des dividendes.

Bref, on se serait retrouvé avec une fiscalité qui ne laissait plus grand place aux échappatoires et qui aurait affecté une catégorie de contribuables que l'on ne peut même pas qualifier de riches.

On le répète, c'est plutôt en s'attaquant aux échappatoires fiscales qui ne profitent qu'aux très riches que le gouvernement québécois pourra enfin réinstaurer une plus grande équité fiscale.

L'Agence québécoise du revenu estime à 3,6 milliards les revenus fiscaux qui lui échappent en raison du recours par certains très grands riches à de la «planification fiscale abusive», on parle ici évidemment de ceux qui ont l'habitude de fréquenter les paradis fiscaux.

C'est avec réalisme que Nicolas Marceau a donc entendu le concert de critiques que soulevait son projet de surtaxer les hauts salariés et de le faire en plus sur une base rétroactive.

C'est avec une humilité certaine qu'il a aussi revu le tir. La hausse du taux marginal d'imposition des plus riches contribuables sera limitée à 1,75% et le taux combiné ne dépassera pas la marque des 50%, la frontière qu'il ne fallait pas franchir selon les spécialistes sans risquer d'annuler les effets escomptés.

Bien sûr que les contribuables qui gagnent entre 18 000$ et 42 000$ vont être déçus de devoir payer entre 1$ et 199$ de taxe santé cette année et l'an prochain alors qu'on leur avait promis que cette taxe serait abolie dès cette année.

Mais en instaurant la progressivité de la taxe santé, en la modulant donc selon le niveau de revenus, Nicolas Marceau a rendu moins odieuse cette taxe qu'elle ne l'était jusque-là.

Personne ne pleurera sur le sort du contribuable qui gagne plus de 150 000$ par année et qui devra faire un effort santé supplémentaire de 1000$. Oui, il paiera plus, mais ses gains en capitaux et en dividendes ne seront pas diminués par une fiscalité trop abrasive. C'est ça de gagné, où c'est ça de pas perdu.

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QUI PAIERA LA TAXE SANTÉ?

Revenus annuels Somme à payer/an

18 000$ à 42 000$ Entre 1$ et 199$

42 000$ à 130 000$ 200$

130 000$ à 150 000$ Entre 201$ et 999$

Plus de 150 000$ 1000$