La campagne électorale est lancée depuis cinq jours déjà et, pourtant, aucun enjeu économique d'importance n'a encore réussi à s'imposer jusqu'à maintenant. Des enjeux, il n'en manque pourtant pas dans la province la plus endettée du pays et chez le gouvernement qui impose à ses contribuables le plus lourd fardeau fiscal de tous les États, provinces et territoires d'Amérique du Nord.

Pour un parti politique, les enjeux économiques sont habituellement le liant qui permet de bien cimenter une campagne électorale. Plus les enjeux sont bien circonscrits, plus le message est clair et mieux le mortier durcira dans l'opinion publique.

Depuis le début de la campagne, on ne voit pas d'enjeux économiques réels se dessiner et il n'y a pas de messages clairs qui ont émané à ce jour des différents partis politiques.

Jeudi dernier, à partir de prévisions d'économistes, le Parti libéral a sorti de nulle part la promesse de créer 250 000 nouveaux emplois au cours des cinq prochaines années pour ramener le taux de chômage de 7,7% à 6%.

Les mêmes économistes qui ont inspiré les rédacteurs du programme électoral estimaient pour leur part que la création de 150 000 nouveaux emplois suffirait à faire passer le taux de chômage de 7,7% à 6%, et cela, dans un horizon de quatre ans.

Bref, cette première promesse électorale économique du Parti libéral n'en est pas une. S'engager à suivre la conjoncture économique prévisible n'est pas très contraignant et n'est surtout pas la démonstration d'une grande créativité pour un parti politique qui veut faire de l'économie la priorité de la présente campagne électorale.

S'il est vrai que les annonces successives de nombreux candidats-vedettes ont mobilisé les premiers jours de la campagne et occulté le dévoilement des différentes plateformes économiques, il ne faut pas pour autant espérer que les prochains jours donneront lieu au déploiement de stratégies économiques novatrices, peu importe le parti.

Zéro marge de manoeuvre

Quelle est la plus grande mesure que les citoyens québécois - les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord - souhaiteraient voir être mise de l'avant et le plus rapidement possible? Une baisse d'impôt, bien évidemment.

Or, pour exécuter pareille prouesse, il faudrait d'abord que le gouvernement québécois retrouve l'équilibre budgétaire, ce que le ministre des Finances, Raymond Bachand, prévoit réaliser au mieux dans deux ans.

Une fois ce laborieux objectif atteint, le gouvernement devrait alors se mettre à enregistrer des surplus budgétaires pour qu'il puisse dégager la marge de manoeuvre nécessaire à un éventuel soulagement du fardeau fiscal de ses électeurs.

Encore là, un gouvernement responsable accepterait-il de réduire ses entrées fiscales alors que sa dette - qui représente 55% de son produit intérieur brut - aura largement franchi le cap des 200 milliards?

Depuis des décennies, le Québec ne dispose d'aucune marge de manoeuvre budgétaire et cette situation n'est pas prête de changer à court et moyen terme.

Peu importe le parti qui sera appelé à former le prochain gouvernement, celui qui héritera du poste de ministre des Finances sera condamné à faire des miracles pour arriver à boucler chacun de ses exercices financiers, sans trop alourdir la dette et taxer davantage les prochaines générations.

Les enjeux économiques sont pourtant nombreux: fiscalité accablante, dette en constante progression, perspectives de croissance très aléatoires en raison de la crise européenne et du repli des économies émergentes, choc démographique sur l'emploi...

Des propositions limites

L'absence totale de marge de manoeuvre budgétaire réduit donc les ambitions et les projets des partis qui luttent pour le pouvoir.

Pendant la campagne, le Parti libéral va donc évidemment tout miser - comme il le fait depuis deux ans maintenant - sur la réalisation du Plan Nord et ses éventuelles retombées économiques et financières (les fameuses redevances qui vont un jour regarnir les coffres de l'État).

Nos richesses naturelles et leur possible exploitation sont maintenant devenues la seule planche de salut économique sur laquelle les partis s'accrochent désespérément, comme l'a fait hier la Coalition Avenir Québec.

François Legault veut mettre sur pied un Fonds pour les ressources naturelles de 5 milliards qui serait géré par la Caisse de dépôt. La Caisse aurait pour mandat de prendre des participations qui pourraient atteindre jusqu'à 49% dans les sociétés minières qui viennent profiter du Plan Nord.

M. Legault semble oublier que le mandat de la Caisse est de faire fructifier les actifs de la Régie des rentes du Québec pour assurer les paiements de retraite des Québécois et non pas de risquer leur argent dans des projets miniers qui peuvent s'effondrer à la première correction de prix à survenir.

M. Legault semble ignorer que Québec a déjà créé la Société du Plan Nord, qui a justement le mandat de prendre des participations au capital de certains projets.

Comme le soulignait mon collègue Hugo Fontaine dans le numéro de samedi de La Presse, le Plan Nord prend vie au moment même ou le super cycle haussier du prix des matières premières qui a duré 10 ans arrive à sa fin.

C'est un peu triste que, simultanément, le Plan Nord devienne ainsi le seul projet économique mobilisateur du Québec pour les 10 prochaines années. Des années qui pourraient être bien longues.