À lire les manchettes des sites internet des journaux financiers de Toronto, on avait l'impression jeudi que tout Bay Street s'était mobilisé pour prendre position en faveur de l'offre d'achat du groupe américain Lowe's sur la chaine de quincailleries Rona.

Les nombreux commentaires des lecteurs au sujet de cette transaction donnaient lieu par ailleurs à une belle démonstration de «Québec bashing» comme on n'en avait pas vu depuis longtemps.

Depuis que Rona a annoncé mardi matin que son conseil d'administration (CA) avait rejeté la proposition de Lowe's, les journaux de Toronto ne manquent pas une occasion de remettre en question cette décision de Rona et la volonté manifeste du groupe québécois de poursuivre seul son redressement dans un marché un peu déprimé.

Et les railleries des commentateurs ont été abondamment alimentées par la prise de position du ministre des Finances, Raymond Bachand, qui a déclaré mardi après-midi que Québec allait prendre tous les moyens à sa disposition pour empêcher la vente de cet «actif stratégique» à des étrangers.

Hier, le Globe and Mail affirmait que plusieurs des plus importants gestionnaires institutionnels de Bay Street appuyaient la proposition du groupe Lowe's, alors que, dans les faits, un seul groupe, la firme Invesco - un important actionnaire de Rona qui détient 12% de ses actions - a pris publiquement position pour dénoncer le rejet de l'offre d'achat amicale de Lowe's par le CA de Rona.

Invesco reproche au conseil de Rona de ne pas avoir présenté à tous les actionnaires l'offre de 14,50$ l'action que proposait de payer Lowe's.

Invesco, qui est devenue actionnaire de Rona en 2007, observe que son investissement a considérablement souffert de la mauvaise gestion de la direction de Rona à qui elle reproche d'avoir mal utilisé et de façon extraordinaire ses ressources financières au cours des cinq dernières années.

Il faut toutefois préciser qu'Invesco est entrée dans le capital de Rona au moment où son titre s'échangeait près de son niveau sommet, soit au-dessus des 20$.

La crise financière de 2008 et la récession de 2008-2009 ont fait chuter les revenus et les profits de Rona comme de tous les détaillants en quincaillerie en Amérique du Nord.

La valeur de l'action du groupe québécois s'est beaucoup érodée. Le titre est tombé à 8,70$ en novembre dernier. Invesco aurait bien aimé encaisser les 14,50$ que proposait Lowe's et souhaite que le conseil d'administration de Rona revoit sa décision.

Malgré les bruits incessants qui proviennent de Toronto, Rona est restée muette depuis mardi. Son président, Robert Dutton, était injoignable mardi et mercredi et il a fait savoir hier qu'il ne commenterait pas les derniers événements avant le 8 août prochain, soit au moment du dévoilement des résultats de son deuxième trimestre.

Chose certaine, cela fait au moins un an que Rona appréhende une offre de Lowe's. Au cours de cette période, la Caisse de dépôt a augmenté ses parts dans la chaîne de quincaillerie en achetant plus de 1,5 million de nouvelles actions du groupe pour porter sa participation à 12% du capital de Rona.

La Caisse a acheté plus de 2 millions d'actions additionnelles de Rona mardi, en réaction à l'annonce de l'offre de Lowe's, et sa participation est aujourd'hui de 14,2%.

Le Fonds de solidarité a aussi été appelé en renfort par la direction de Rona. Le fonds a acquis au cours de l'année 2011 plus de 4 millions d'actions de Rona et détient aujourd'hui 3,5% de son capital.

Héroux comble ses actionnaires

Si Rona a fait des malheureux chez certains de ses actionnaires, ce n'est pas le cas chez le fabricant de trains d'atterrissage Héroux-Devtek.

Gilles Labbé, président d'Héroux-Devtek, a rencontré des actionnaires heureux hier à Montréal.

Deux semaines après l'annonce de la vente de ses activités industrielles et d'aérostructure, les actions du groupe se sont appréciées de 45%, l'entreprise affiche des résultats en hausse et elle disposera bientôt d'une cagnotte de 230 millions, dont une bonne partie pourrait être retournée sous forme de dividendes aux actionnaires.

Le président d'Héroux-Devtek pensait qu'il aurait à vivre une période de questions animée au cours de l'assemblée annuelle des actionnaires de l'entreprise.

«Quoi, personne n'a de questions à me poser au sujet du produit de la vente de nos divisions industrielles et d'aérostructure?», a demandé le PDG à un auditoire ravi, mais silencieux.

De fait, les actionnaires d'Héroux font pleinement confiance à la direction de l'entreprise et à la décision que son conseil d'administration prendra quant à la disposition des 230 millions de gains exceptionnels.

Un dividende, une acquisition, un remboursement de dette ou le mixe des trois? Ils veulent seulement que l'action de Héroux-Devtek poursuive sa valorisation.