Si la France n'a pas hésité longtemps avant de céder aux Anglais les «quelques arpents de neige» qu'elle possédait dans le nord des Amériques, 250 ans plus tard, de plus en plus de Français redécouvrent les vertus oubliées du Nouveau Monde et viennent de plus en plus nombreux s'établir le long des plaines du Saint-Laurent.

La dernière élection présidentielle française nous a rappelé ou appris que Montréal est la ville à l'extérieur de la France qui compte la plus forte concentration de citoyens français.

On estime à 100 000 le nombre d'immigrés français qui vivent dans la région du Grand Montréal, un chiffre qui a été gonflé au cours des 10 dernières années par un fort afflux de nouveaux arrivants en provenance de l'Hexagone.

Selon le consulat français, le Québec a accueilli au cours de ces 10 ans plus de 30 000 nouveaux citoyens français, soit le plus fort contingent de tous les groupes de nouveaux arrivants, qu'ils soient d'Algérie, du Maroc ou de la Chine.

Ces nouveaux Québécois qui nous arrivent de France ont, en moyenne, entre 25 et 40 ans et ils ont été sélectionnés en raison notamment de leurs qualifications professionnelles.

Pour plusieurs d'entre eux, l'appel du Nouveau Monde a été fortement amplifié par l'état de sclérose qui affecte de façon quasi permanente la vie économique et la vie quotidienne en France.

Comme la majorité des gouvernements des pays de l'Union européenne, l'État français est surendetté, exsangue, incapable d'intervenir de façon efficace dans l'économie si ce n'est autrement que de chercher des moyens de réduire son emprise sur la vie des contribuables et des entreprises.

Pourquoi? Avec une dette de 1717 milliards d'euros qui représente 85,8% de son produit intérieur brut (PIB), la France a enregistré un déficit budgétaire qui représentait 7,1% de son PIB, en 2010. Ce ratio a été ramené à 5,2% en 2011 et le nouveau président François Hollande s'est engagé à ramener ce ratio à 4,5% cette année et à 3% l'an prochain.

Si ces objectifs budgétaires sont nécessaires et impérieux à atteindre, ils sont toutefois extrêmement contraignants dans un pays qui affiche un taux de chômage de 12% et où les entreprises doivent supporter des charges sociales les plus lourdes d'Europe, réduisant d'autant leur compétitivité.

L'annonce de la fermeture samedi d'une usine d'assemblage du constructeur Peugeot Citroën, en banlieue de Paris, et la suppression de 8000 emplois d'ici deux ans sont une autre illustration des difficultés économiques que traverse la France.

L'attrait du Nouveau Monde

Si, au cours des 10 dernières années, 30 000 citoyens français ont donc répondu à l'appel du Nouveau Monde en décidant de s'expatrier au Québec avec l'espoir de pouvoir s'y épanouir, il en va de même pour certaines entreprises françaises qui, elles, se laissent séduire par les avantages qu'elles y trouvent.

L'exemple de l'implantation d'Ubisoft, que mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot documente abondamment dans son dossier sur les 15 ans d'Ubisoft est certes le plus spectaculaire.

Après s'être fait convaincre de venir implanter un studio de production de jeux vidéo à Montréal avec la promesse d'obtenir de généreuses subventions, Ubisoft y a établi son plus important centre de production au monde et a drainé autour d'elle toute une nouvelle industrie du divertissement technologique.

Depuis plus de 40 ans, les démarcheurs du gouvernement québécois cherchent à amener des entreprises françaises à investir en sol québécois en leur vendant la porte d'entrée sur le marché américain.

Mine de rien, quelque 300 entreprises françaises ont aujourd'hui une filiale en sol québécois. Mais le Québec souhaiterait bien une deuxième et une troisième Ubisoft.

«Beaucoup d'entreprises françaises s'intéressent au Québec et au Canada, mais elles cherchent davantage à pénétrer le marché qu'à réaliser une implantation industrielle», explique Roman Jourdain, directeur pour le Québec de la Mission économique UBIFRANCE, une agence gouvernementale qui accompagne les entreprises françaises dans leur développement du marché canadien.

Mais Roman Jourdain identifie déjà deux sociétés françaises qui viennent de s'implanter au Québec comme des «possibles prochaines Ubisoft».

La société OVH.com, premier hébergeur internet en Europe et quatrième au monde, a mis en service hier ses premiers serveurs d'utilisateurs nord-américains, dans son nouveau centre d'hébergement situé à Beauharnois. La firme exploite 10 000 serveurs et embauchera une centaine d'employés. Son objectif est de faire la différence sur le marché américain.

Une autre firme française, Aerolia, sous-traitant de Bombardier, vient tout juste d'annoncer son implantation dans la région de Montréal où elle va construire une usine d'assemblage de fuselages où travailleront 150 travailleurs de l'aéronautique. Si Ubisoft peut faire des petits, on va leur faire de la place.