L'interruption totale et sauvage du système de métro de Montréal en pleine heure de pointe hier matin est le dernier d'une longue série de dérapages qui ne vont qu'en s'intensifiant depuis que le conflit étudiant s'est transformé en crise. Un chaos dont l'escalade commence à coûter cher à Montréal.

Gérald Tremblay, maire de Montréal, a lancé un nouvel appel au calme hier après-midi en implorant encore une fois les étudiants en grève et le gouvernement du Québec de reprendre le dialogue et de trouver une façon de mettre un terme à cette crise absurde.

Une crise qui perdure en raison d'une absence manifeste de volonté de régler de la part de chacune des parties qui s'opposent. On comprend le maire Tremblay d'espérer le plus rapidement possible une entente. Il est grandement temps de redonner un peu de souffle à une ville qui paie le gros prix de supporter ce climat d'anarchie permanent.

Au-delà des dizaines de millions que la Ville doit dépenser pour maintenir en état d'alerte une armée de policiers qui doivent être prêts à intervenir à toute heure du jour et de la nuit, Montréal doit absorber les contrecoups de la détérioration sévère de son image tant dans le reste du pays que partout autour du monde.

La semaine dernière, le journal Le Monde faisait sa une avec une photo de la manifestation nocturne des tout nus. Hier après-midi, quelque 315 sites internet de médias du monde entier reprenaient la nouvelle du chaos provoqué par la paralysie du métro de Montréal en pleine heure de pointe.

«Ce n'est pas tant la dégradation de notre image internationale qui m'inquiète, observe Michel Leblanc, président de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, mais que les gens d'ici commencent à bouder le centre-ville de Montréal pour aller au resto, pour magasiner ou se divertir. Il faut que ça redevienne vivable au plus vite.»

Il n'en reste pas moins que depuis que la violence s'est pointée aux manifestations des étudiants, les grands médias internationaux ne se privent pas de relayer des images-chocs qui laissent croire que Montréal a depuis peu basculé dans l'anarchie la plus totale.

Comme le faisait remarquer le maire Tremblay hier après-midi, ça ne laisse rien augurer de bon pour les grands événements internationaux qui doivent se tenir sous peu dans la métropole. Le Grand Prix de Montréal et le Festival de jazz n'ont pas besoin de cette publicité négative - qui prend sans cesse de l'ampleur - comme carte de visite.

Le coeur de la ville paralysé

Outre l'immense chaos que l'interruption simultanée de toutes les lignes de métro a provoqué hier matin, c'est le coeur économique de Montréal qui a été privé de son sang une partie de la journée.

On le sait, Montréal abrite le plus grand complexe commercial souterrain au monde qui s'est développé avec la construction et les prolongements successifs du métro.

Selon Michel Boisvert, professeur d'urbanisme à la retraite et fondateur de l'Observatoire de la ville intérieure, le réseau souterrain montréalais abrite plus de 35% de tous les commerces au détail du centre-ville. Lorsque le métro cesse subitement de drainer son flot de passagers, ce sont toutes les galeries commerciales souterraines qui se retrouvent vidées de leur sang.

«La valeur locative des boutiques souterraines est beaucoup plus grande que celle des commerces qui ont pignon sur la rue Sainte-Catherine. Parce qu'elles ont droit à un achalandage captif et assuré», explique Michel Boisvert.

Hier matin, tous les commerces du complexe Desjardins, de la Place Montréal Trust, du Centre Eaton, de la Place Bonaventure, de la Place Ville-Marie, des Promenades de la Cathédrale ou des Cours Mont-Royal, ont été privés de clients et d'employés, en raison de l'action concertée de quelques voyous.

Certains diront que le chaos circulatoire d'hier était l'équivalent d'une tempête de neige. Faux. Lorsqu'il y a une tempête de neige, les gens se replient sur le métro pour se rendre de façon sûre au travail. Ce que la ville a épargné en budget de déneigement cette année, elle le paie au centuple pour faire face au désordre quotidien.