Montréal prend chaque jour davantage des airs de ville assiégée et personne n'a la moindre idée de quand ni comment ce pénible état de fait va prendre fin.

On sait cependant que les appels au calme d'hier du maire Gérald Tremblay ou du chef de police Marc Parent ne vont rien changer. C'est à Québec de régler cette crise que le gouvernement a indûment fait durer en refusant de s'asseoir sérieusement avec les porte-parole des étudiants.

Il est quand même étrange et inconcevable qu'un enjeu aussi stratégique que l'éducation supérieure peut l'être pour une petite société comme le Québec ait été aussi malhabilement géré, et ce, depuis le premier jour de la grève étudiante.

Depuis 30 ans maintenant, les gens d'affaires et les chefs politiques de toutes les formations confondues ne cessent de répéter inlassablement que l'éducation et la formation sont la priorité absolue, l'arme ultime qui permettra au Québec de se démarquer sur la scène internationale qui est devenue le théâtre de l'activité économique moderne.

Or, on a la nette impression que le gouvernement Charest a décidé depuis le début du mouvement de grève d'utiliser la hausse des droits de scolarité pour faire la démonstration de son leadership. Il fallait faire preuve d'une fermeté résolue que rien ne pourrait faire fléchir.

Dès le premier jour de la grève étudiante, on a dépeint les contestataires du cégep et de l'université comme des enfants gâtés qui refusaient de faire leur juste part pour défrayer les coûts de leur formation. Il y avait une volonté affichée de mettre ces braillards au pas et c'est avec ce même mépris qu'on les traite depuis ce jour.

Depuis 11 semaines maintenant, malgré la gronde grossissante et l'infiltration très peu subtile de casseurs professionnels dans les manifestations qui se transforment de plus en plus chaque jour en émeutes, la ministre de l'Éducation et le premier ministre martèlent qu'il n'est pas question de reculer.

Le problème, c'est que le gouvernement et la ministre de l'Éducation confondent fermeté et leadership. Ce n'est pas du leadership que de se replier dans la fermeture la plus totale, de refuser le dialogue et d'attendre qu'un conflit s'essouffle et meure de lui-même.

On peut bien reprocher aux étudiants la commission des actes de violence et de vandalisme qui ont eu lieu, les condamner ou exiger des excuses de leur part, mais il a fallu 11 semaines de conflit avant que la ministre de l'Éducation accepte de rencontrer les porte-parole des différents regroupements étudiants, avant de sommairement les congédier.

Et encore là, sur les 40 heures d'échanges qui ont eu cours entre les étudiants et les représentants du gouvernement, la ministre Beauchamp n'a été présente que durant une heure. Qu'avait-elle de plus urgent à son horaire que la participation active au dénouement de la crise qui dégénère un peu plus chaque jour et qui donne du Québec l'image d'un pays au bord de l'insurrection?

Le leadership, ça ne s'apprend pas. Même s'il existe des chaires de leadership dans les écoles de management, même si des firmes de consultants facturent des fortunes en prétendant l'enseigner à des chefs d'entreprise, même si des dizaines d'ateliers du Forum économique mondial portent chaque année sur cette question, le leadership, ça ne s'apprend pas. Le leadership, ça s'incarne.

Et il s'incarne particulièrement dans des moments de crise quand toutes les énergies se monopolisent autour d'un même objectif: trouver un compromis honorable. Le leadership se nourrit de détermination, pas de fermeté et encore moins de fermeture.