Les riches Ontariens ne l'ont pas facile et certains ne le prennent tout simplement pas. Pour éviter le déclenchement de nouvelles élections générales, six mois seulement après avoir été reporté au pouvoir, le premier ministre Dalton McGuinty a accepté lundi d'imposer une surtaxe de 2% aux Ontariens qui gagnent plus de 500 000$ par année.

Si cette décision a permis au gouvernement libéral de l'Ontario de rallier le NPD à voter en faveur de son dernier budget - et de lui éviter d'être défait -, elle soulève de vives réactions auprès de la clientèle ciblée par cette hausse d'impôt improvisée et de dernière minute.

On le sait, l'Ontario a été fortement ébranlé par la dernière récession au cours de laquelle il a accumulé un lourd déficit de 15,3 milliards de dollars que le gouvernement libéral s'est engagé à éliminer d'ici 2017.

Le dernier budget a été particulièrement dur à l'endroit des fonctionnaires. On imposera notamment un gel des salaires de trois ans aux professeurs et aux médecins ontariens.

L'ajout de la surtaxe de 2% aux nantis s'inscrit donc dans cette démarche d'atteinte de l'équilibre budgétaire et elle n'est pas que symbolique.

Le gouvernement ontarien estime à 23 000 le nombre de contribuables qui gagnent plus de 500 000$ par année. En haussant de 2% leur contribution fiscale, l'Ontario prévoit récolter 470 millions par année. Des fonds qui seront affectés directement à la réduction du déficit.

Sur une période de cinq ans, cette contribution additionnelle des «super riches» devrait donc rapporter plus de 2 milliards au Trésor ontarien. Il s'agit d'une part significative des 15 milliards qu'il faut récupérer.

Le premier ministre McGuinty a beau répéter que cette surtaxe est temporaire et qu'elle sera abolie une fois que l'équilibre budgétaire aura été atteint, elle continue de faire réagir certains acteurs de la scène financière torontoise qui n'hésitent pas à évoquer le déclenchement prochain d'un véritable exode des riches vers des cieux moins imposés.

C'est notamment le cas du gestionnaire de portefeuille Jim Doak qui a repris la semaine dernière dans le Financial Post un commentaire qu'il avait formulé plus tôt au cours d'un débat télévisé où il comparait la proposition de surtaxe des riches du NPD à la mise en place d'un nettoyage ethnique.

Selon Jim Doak, le fait de cibler les riches par une taxation fiscale spéciale n'est rien de moins que de la ségrégation. L'histoire récente a démontré, selon lui, que l'industrie des services financiers était très mobile en rappelant le départ de près de 200 000 anglophones du Québec dans les années 70 dans la foulée de l'élection du Parti québécois.

Cette cohorte d'anglophones québécois, dont Jim Doak faisait partie à l'époque, a pris le chemin de Toronto - en même temps que les sièges sociaux de la Banque Royale, de la Banque de Montréal et de la Sun Life - où elle a fortement contribué à la mise en place d'une masse critique dans le secteur des services financiers.

Selon M. Doak, la surtaxe de 2% va provoquer le même mouvement chez les riches Torontois qui vont prestement aller s'établir en Alberta.

«Deux pour cent sur un salaire de 500 000$, c'est 10 000$ par année, ou le coût du déménagement d'une famille de quatre pour Calgary et pour toujours», note le financier.

Ce raisonnement un peu excessif est pourtant partagé par d'autres membres de la communauté financière de Toronto. Ces «super riches» ontariens qui gagnent plus de 500 000$ par année vont voir leur taux marginal d'imposition passer à 49%, soit à peu près le taux équivalent à ce que paient les super riches québécois.

À ce qu'on sache, nos «super riches» ne semblent pas se porter trop mal pour autant et ils n'ont pas encore massivement quitté le Québec pour aller s'établir à Calgary.