Jacques Lamarre a été l'homme d'une seule entreprise. Il a travaillé 42 années chez SNC-Lavalin, dont les 13 dernières années à titre de PDG de la multinationale montréalaise.

Les déboires successifs du groupe d'ingénierie qui ne cessent de faire les manchettes l'attristent tout autant qu'ils le choquent.

Extrêmement discret de nature, Jacques Lamarre n'a jamais cherché à occuper les feux de la rampe et encore moins à cultiver la polémique. C'est à reculons qu'il a accepté de parler hier en mesurant - comme il le fait chaque fois qu'il ouvre la bouche - chacun de ses mots.

Petite précision de départ, Jacques Lamarre a coupé tous les ponts avec SNC-Lavalin depuis qu'il a pris sa retraite en mai 2009. Il n'a occupé aucun rôle de conseiller, on ne lui a pas offert de poste au conseil d'administration, «parce que le gros actionnaire Jarislowsky Fraser ne voulait pas de belle-mère au conseil», et, mieux encore, on ne l'a même jamais appelé pour avoir son avis.

Ce qui est tout de même étonnant quand on sait que c'est sous la direction de Jacques Lamarre que SNC-Lavalin a vu sa valorisation littéralement exploser, alors que celle-ci est passée de 500 millions à plus de 7 milliards de dollars.

Jacques Lamarre pourrait donc facilement casser du sucre sur le dos de ses anciens collègues, mais il se retient bien de le faire.

Est-il pour autant d'accord avec la dernière décision du conseil de SNC-Lavalin d'accorder une indemnité de départ de 5 millions à l'ex-PDG Pierre Duhaime qui vient d'être forcé de démissionner pour avoir autorisé des dépenses inexplicables de 56 millions?

«Les gens qui siègent au conseil de SNC-Lavalin sont forts. Ils sont indépendants. Que ce soit Ian Bourne, Claude Mongeau (PDG du CN) ou Pierre Lessard (l'ex-PDG de Metro), ces gens-là ont pris la décision qu'ils estimaient juste.»

«Cette une décision qui tend à démontrer que Pierre Duhaime a fait une erreur, mais qu'il l'a faite en pensant au bien de l'entreprise et non pas à des fins d'enrichissement personnel», suppute l'ex-grand patron de SNC-Lavalin.

Du même souffle, Jacques Lamarre concède que, s'il avait été administrateur de l'entreprise, il ignore s'il aurait voté dans le même sens que ses collègues. «On n'a pas les faits, on ne peut donc pas se faire une opinion», souligne-t-il.

Chose certaine, il aurait piloté différemment le dossier des dépenses inexplicables de 35 millions qui sont devenues par la suite des fausses dépenses de 56 millions.

«Il aurait fallu être transparent dès le départ. Moi, j'aurais rendu publiques toutes les informations dont j'aurais disposé tout en expliquant qu'une enquête allait faire la lumière. Mais là, on est toujours dans le flou, on ne sait pas à quoi ont pu servir ces millions», déplore-t-il.

Jacques Lamarre trouve la situation bien dommage pour SNC-Lavalin mais aussi pour Pierre Duhaime, qu'il décrit comme un être très brillant. «Il a développé à partir de zéro tout le groupe métallurgie de SNC-Lavalin pour en faire le plus important groupe au monde. Il a fait une erreur et il en paye chèrement le prix», constate l'ingénieur.

À cet égard, il faut toutefois noter que l'erreur de Pierre Duhaine a surtout coûté une véritable fortune à SNC-Lavalin. Une fortune en crédibilité, en perte de valeur boursière et, finalement, en indemnité de départ au fautif.

On a tous bien hâte de connaître la nature et les causes de la faute. On pourra juger alors si ça valait 5 millions d'indemnité de départ...