Depuis plus de deux ans maintenant, toute l'action économique du gouvernement du Québec gravite essentiellement autour de la mise en marché de son Plan Nord. S'il est louable de vouloir assurer un développement organisé de nos ressources naturelles, il ne faut pas que le Plan Nord devienne un nouvel Eldorado, un mirage qui masque la dure réalité économique qui afflige nos entreprises manufacturières dans le Sud, à Montréal.

Le dernier budget de Raymond Bachand illustre bien combien le Plan Nord est devenu la pièce centrale de la stratégie économique du gouvernement libéral. C'est devenu le projet qui mobilise toutes les énergies des agences gouvernementales à vocation économique.

Investissement Québec va doubler à 1,2 milliard le montant de ses interventions dans la mise en place du Plan Nord au cours des cinq prochaines années.

Sa nouvelle filiale Ressources Québec prendra même des participations au capital-actions de certaines sociétés minières, recyclant ainsi une idée lancée par Jacques Parizeau.

Une idée pas bête quand les choses vont bien, mais qui peut rapidement tourner au cauchemar quand le cycle minier change soudainement de direction.

En 1977, Jacques Parizeau était bien fier d'annoncer la nationalisation des deux principaux producteurs d'amiante du Québec, mais l'aventure a coûté combien aux Québécois lorsque ce minerai a été brutalement banni par de nombreux organismes de santé publique du monde entier?

La demande pour les métaux est forte. Québec multiplie les annonces de projets d'investissements, mais il suffit que la demande ne fléchisse - même légèrement - pour que les prix s'effondrent et que l'on décide de reporter des investissements annoncés.

Le Plan Nord se résume pour l'instant à une route de 250 kilomètres qu'on est en train de construire entre Temiscami et le projet de la mine de diamants Renard.

Rio Tinto a payé 38 milliards, en 2007, pour faire l'acquisition d'Alcan, lorsque le marché de l'aluminium était à son sommet. Aujourd'hui Rio Tinto regrette amèrement d'avoir si cher payé une entreprise dont elle est en train de revendre certains morceaux pour réduire la dette colossale qu'elle a contractée.

Bref. le secteur minier est modulé par des cycles et les changements de cycles peuvent produire des interruptions d'activités tout aussi soudaines que brutales.

La réalité sudiste

Parlant d'interruption d'opérations soudaine et brutale, celle annoncée par la société Aveos de Montréal - l'avant-veille du dépôt du budget Bachand - a été comme tout le monde l'a constaté particulièrement odieuse.

Jeter ainsi à la rue 2400 travailleurs sans aucun préavis, pour se placer le lendemain sous la protection de la loi des faillites tout en continuant d'exploiter des installations à moindres coûts au Salvador, est un bel exemple de délocalisation sauvage.

Au moment même où Raymond Bachand faisait la lecture de son budget à Québec, l'imprimeur Transcontinental annonçait dans un communiqué laconique la fermeture de deux usines, une en Nouvelle-Écosse et une à Montréal. Dans chacun des cas ce sont 250 emplois qui sont éliminés.

La fermeture des usines d'Aveos et de Transcontinental, à deux jours d'intervalle, vient s'ajouter à une série de fermetures d'entreprises manufacturières à Montréal depuis deux ans.

Il y a eu la fin des activités de la raffinerie Shell et la perte de ses 800 emplois. Puis l'annonce de la fermeture d'Electrolux à l'Assomption et la disparition de ses 1300 postes d'ici 2014, des emplois qui seront transférés à Memphis, au Tennessee. La firme Technicolor de Mirabel a cessé ses activités l'été dernier et supprimé l'emploi de ses 130 salariés.

Enfin, en janvier dernier, c'est le fabricant d'électroménagers Mabe qui a annoncé la fin de ses activités canadiennes et leur déménagement au Mexique d'ici 2014 entraînant la disparition des 740 emplois de cette usine de l'est de Montréal.

C'est non seulement un secteur d'activité économique névralgique qui est attaqué de toutes parts, mais c'est aussi le coeur économique du Québec qui est en train de se saigner.

À preuve, Montréal affichait en mars 2009 un taux de chômage de 7,8%, égal à celui de Toronto. Aujourd'hui le taux de chômage à Montréal est de 9,2% alors qu'il est à 8,6% à Toronto, 5,1% à Québec et 8,1% à Trois-Rivières. Montréal a vite besoin d'un plan d'attaque, mais il semble que le développement des ressources naturelles ait fait perdre le nord à certains.