Jaroslav Halak a sauvé la saison du Canadien de Montréal. Mais il ne faudrait pas se surprendre ni s'insurger s'il n'est plus là quand le CH entreprendra sa prochaine saison.

Pierre Gauthier aime son équipe, comme il l'a dit hier dans son bilan de fin d'année. C'est bien normal. Après les performances étonnantes du Canadien en séries, il serait mal placé pour faire la fine bouche. Surtout qu'on sent dans le vestiaire une unité et une solidarité qui faisaient défaut dans l'ère Koivu-Kovalev.

Mais Gauthier est un homme rationnel. Il serait surprenant qu'il se fie uniquement à la participation du CH à la finale d'Association de l'Est pour déterminer la valeur véritable de son club. Car il sait, comme tout le monde, que sans le jeu de Halak dans les trois derniers matchs de la série contre les Capitals de Washington, le Canadien serait en vacances depuis un bon mois.

En fait, si le CH revenait l'automne prochain avec exactement le même alignement que cette année, une participation aux séries serait tout sauf garantie. Cette équipe a besoin de renfort, notamment à l'attaque. Comme l'a reconnu Josh Gorges, il lui faut des gars capables «de foutre le bordel et de marquer des buts», des attaquants corpulents, équipés pour se débrouiller face aux Chris Pronger de ce monde autour du filet adverse. Idéalement, un joueur de centre format géant - une espèce qui ne pousse pas dans les arbres, convenons-en -; au minimum, un Travis Moen dont les options offensives auraient été activées.

Mais au hockey comme dans la vie, on n'a rien sans rien. Il faut donner pour recevoir. Et le meilleur appât dont dispose Pierre Gauthier se trouve devant le filet de son équipe. Il l'a dit lui-même: quand un de tes bons atouts passe la moitié de son temps assis au bout du banc, ça mérite réflexion.

Une situation difficile

Le statu quo risque de devenir intenable. Tant Halak que Carey Price ont reconnu hier qu'ils trouvent la situation difficile. Les deux sont jeunes. Les deux veulent jouer. Et les deux sont persuadés, avec raison, qu'ils ont ce qu'il faut pour être des numéros uns. À mon sens, la seule question est de savoir lequel des deux partira. Et au risque d'être sacrilège, la réponse pourrait bien être Jaroslav Halak.

Les séries éliminatoires ont été une carte de visite extraordinaire pour le gardien slovaque. Sa valeur n'a sûrement jamais été aussi haute que présentement. Elles lui ont donné l'occasion de prouver une fois pour toutes que les succès qu'il a connus dans le junior majeur, la Ligue de la Côte Est et la Ligue américaine n'étaient pas le fruit du hasard. Il a démontré qu'il pouvait être un gardien numéro un dans la LNH. Peut-être pas un gars capable de disputer 75 matchs en saison régulière. Mais un numéro un quand même.

Reste à savoir s'il a envie de continuer dans la jungle de Montréal. Ça, c'est moins sûr.

Hier, après avoir passé quelques minutes sur son petit podium improvisé, Halak est pratiquement sorti en courant de la salle d'entrevues. Comme un gars qui n'avait qu'une hâte: échapper au plus vite aux regards qui ne le lâchent plus dans cette ville malade de hockey. Comme un gars qui serait pas mal plus heureux à Tampa, à Atlanta ou dans n'importe quel coin de l'Amérique où il n'aurait pas à rendre des comptes jour après jour à une armée de journalistes.

Price s'est pris en main

Price, lui, était aux antipodes du gars défait qui s'était présenté devant les médias, la casquette enfoncée jusqu'aux yeux, il y a un an, après que le Canadien eut été balayé par les Bruins de Boston. On aurait pu comprendre qu'il soit frustré. Il n'a presque pas joué en séries. Mais de toute évidence, il a décidé de faire du printemps 2010 une expérience d'apprentissage. Relégué pour la première fois de sa carrière au rôle de second violon, contraint de ravaler son orgueil, il s'est vraiment pris en main au cours des deux derniers mois. Il a travaillé d'arrache-pied à l'entraînement. À en juger par les commentaires des joueurs et de l'entraîneur Jacques Martin, sa maturité nouvelle lui a gagné l'estime de tous.

«Ça a peut-être pris trois ans, mais c'était des leçons que je devais apprendre, a dit Price. Au hockey et dans la vie en général. Je ne les aurais peut-être pas apprises dans un autre marché que celui-ci. Je suis pas mal fier de m'être rendu où je suis en si peu de temps. Et je suis enthousiaste pour la suite.»

Il y a un risque que le gardien qui partira brille de tous ses feux avec sa nouvelle équipe. Mais le Canadien ne peut pas vraiment se tromper. Qu'il garde Halak ou Price, il comptera sur un excellent gardien - certainement aussi bon que Michael Leighton et Antti Niemi, qui s'affronteront en finale de la Coupe Stanley.

Le Canadien a besoin de renfort. Même si ça devait lui coûter Jaroslav Halak.

Le plaisir de jouer à Montréal

J'ignore si le Canadien aura encore de la place pour Marc-André Bergeron l'an prochain. Mais le défenseur québécois aura laissé sa marque à Montréal, tant par son apport en supériorité numérique que par sa candeur rafraîchissante. La langue de bois, très peu pour lui. «Comme Québécois, tu viens à Montréal avec des doutes, car il y a des côtés négatifs. Mais finalement, c'est pas mal plus positif qu'on peut le penser, a-t-il dit hier. Les médias représentent une pression additionnelle, mais c'est tellement récompensant de jouer devant les siens. Les séries ont été un événement marquant dans ma vie. De les vivre ici m'a permis de le vivre encore plus profondément.»

Puisse son message être entendu.

Photo: André Pichette, La Presse

Les dernières séries ont donné à Jaroslav Halak l'occasion de prouver qu'il pouvait être un gardien numéro un dans la LNH.